Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/108

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d’atteindre les bornes orientales des Indes par une route qui abrégera le voyage de plusieurs mois.

Quoique l’archevêque et la plupart des autres commissaires appartinssent à la classe nombreuse de ceux qui regardaient Colomb comme un visionnaire dont le cerveau était échauffé, l’air de dignité avec lequel il parlait de ses vastes projets d’un ton si simple mais si relevé, la manière calme avec laquelle il passa une main sur ses cheveux blancs après avoir parlé, et l’enthousiasme qui ne manquait jamais de briller dans ses yeux quand il expliquait ses nobles desseins, firent une profonde impression sur tous ses auditeurs, et pendant un moment l’opinion générale fut de l’aider par tous les moyens possibles. Une preuve singulière de l’existence de ce sentiment passager, c’est qu’un des commissaires lui demanda sur-le-champ :

— Vous proposez-vous, señor Colon, de chercher la cour du Prestre Jean ?

— Je ne sais pas même, noble señor, s’il existe un tel potentat, répondit Colomb, dont toutes les idées se concentraient sur un point fixe, comme c’est l’usage des philosophes et des savants, et qui ne donnait guère dans les erreurs populaires du jour, quoiqu’il ne fût pas tout à fait exempt de l’ignorance de son siècle ; — je ne vois rien qui établisse la vérité de l’existence d’un tel monarque ou de ses territoires.

Cet aveu ne servit pas la cause du navigateur, car affirmer que la terre était une sphère, et le Prestre Jean un être imaginaire, c’était abandonner le merveilleux pour se livrer à la démonstration et aux probabilités, marche que l’esprit humain encore inculte n’aime pas à suivre.

— Il y a des gens, dit un des commissaires qui devait sa nomination à la politique du roi Ferdinand, qui seront disposés à croire à la vérité de l’existence du Prestre Jean et de ses territoires, et qui nieront positivement que la terre soit ronde, puisque nous savons tous qu’il y a des rois, des territoires et des chrétiens, et que nous voyons que la terre et l’océan ont une surface plate.

Cette opinion fut accueillie par un sourire d’assentiment général, quoique Fernando de Talavéra doutât qu’elle fût juste.

— Señor, répondit Colomb avec douceur, si tout sur la terre était véritablement ce qu’il paraît, on aurait moins besoin de confession, et les pénitences seraient plus légères.