Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/317

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— Les présages, c’est Dieu qui les envoie. Ils sont une espèce de miracle qui précède les événements naturels, comme les miracles véritables les surpassent. Je crois que cette expédition est un dessein inspiré de Dieu, et je ne vois pas d’irrévérence à supposer que des nuages se soient accumulés à l’horizon en prenant cette apparence de terre, pour nous encourager à la persévérance, et comme une preuve que nos travaux finiront par être récompensés. Je ne puis pourtant dire que cela soit arrivé autrement que par des moyens naturels, car ces illusions nous sont familières à nous autres marins.

— Je tâcherai de le considérer ainsi, señor amirante, répondit l’officier, — et là se termina la conversation.

Ce qu’on avait pris pour la terre avec tant de confiance ayant entièrement disparu, la tristesse étendit ses sombres voiles sur les trois équipages, et ils passèrent de nouveau de l’espoir au découragement. Colomb continua de gouverner à l’ouest, d’après la boussole, mais dans la réalité à l’ouest-quart-sud-ouest. Cependant, à midi, cédant aux vives sollicitations de tous ceux qui l’entouraient, il changea encore de route et remit le cap au sud-ouest. Il avança de ce côté jusqu’à ce que l’on eût fait assez de chemin pour convaincre les plus incrédules qu’ils avaient été trompés par des nuages, la soirée précédente. La nuit vint, et comme il ne restait pas la moindre lueur d’espérance, on reprit route vers l’ouest. Dans le cours de ces vingt-quatre heures, on fit trente et une lieues qui ne comptèrent que pour vingt-quatre aux yeux des équipages.

Plusieurs jours se succédèrent sans amener aucun changement important. Le vent continua d’être favorable, mais souvent il était si léger qu’on ne faisait que cinquante milles par vingt-quatre heures. La mer était calme, et l’on rencontra de nouveau des herbes marines, mais en moindre quantité qu’auparavant. Le 29 septembre, le quatrième jour après celui où Pinzon avait crié : — Terre ! terre ! — on vit un oiseau de l’espèce de ceux appelés frégate ; et comme les marins pensent généralement que cet oiseau ne s’éloigne jamais beaucoup du rivage, sa vue fit renaître momentanément quelque espérance. Deux pélicans se montrèrent aussi, et l’air était si doux et si balsamique que Colomb déclara qu’il ne manquait que des rossignols pour rendre les nuits aussi délicieuses que celles de l’Andalousie.

C’était ainsi que les oiseaux allaient et venaient, donnant des