Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant à l’écart le cercle d’or qu’il avait sur la tête, et jetant une robe de coton sur son corps, qui avait été jusqu’alors presque nu, Mattinao fit signe à son compagnon de le suivre et sortit de son habitation. Luis, de son côté, rejeta son bouclier sur son épaule, arrangea le ceinturon de son sabre de manière à ne point être gêné dans la marche, et suivit le cacique avec la même confiance qu’il aurait accompagné un ami dans les rues de Séville.

Au milieu d’une atmosphère chargée de parfums, Mattinao le conduisit dans une vallée où les plus belles plantes des tropiques croissaient sous des arbres dont les branches étaient chargées de fruits délicieux. Ils suivaient un sentier tracé le long d’un torrent qui coulait dans un ravin et allait verser ses eaux dans la rivière. Après avoir fait ainsi environ un demi-mille, ils arrivèrent près d’un groupe d’habitations rustiques, qui couvraient une belle terrasse située sur la rampe d’une montagne d’où l’on apercevait le grand village près de la rivière, et la mer dans l’éloignement. Luis vit du premier coup d’œil que cette retraite agréable devait être destinée au beau sexe, et il ne douta pas que ce ne fût une espèce de sérail habité par les femmes du jeune cacique. Il fut conduit dans une des principales demeures, où on lui offrit les rafraîchissements simples, mais agréables, en usage parmi ce peuple.

Un mois de communication entre les Espagnols et les habitants de ces îles n’avait suffi ni aux uns ni aux autres pour apprendre réciproquement leur langue particulière. Les Européens avaient retenu quelques-uns des mots les plus usités du vocabulaire des Indiens, et Luis était un de ceux qui savaient le mieux s’en servir, quoiqu’il soit probable qu’il se trompait fréquemment, même quand il se croyait le plus sûr de son fait. Mais on ne se méprend pas aisément au langage de l’amitié, et notre héros n’avait pas éprouvé le moindre sentiment de méfiance depuis qu’il avait quitté les caravelles.

En entrant dans la hutte où il avait conduit Luis, Mattinao avait envoyé un messager dans une des demeures voisines ; après lui avoir laissé le temps de goûter les rafraîchissements qu’il lui avait fait servir, il se leva, et par un geste dont la grâce eût fait honneur à un maître des cérémonies de la cour d’Isabelle, il invita de nouveau son hôte à le suivre. Bientôt ils arrivèrent à une maison plus grande que les autres, et qui évidemment était partagée en plusieurs subdivisions, car ils entrèrent d’abord dans