Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/40

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est prêt à recevoir son fardeau ? Le père Alonzo nous attend sans doute, et nous irons le joindre.

La princesse et son amie se rendirent dans la chapelle du palais, où le père Alonzo, confesseur d’Isabelle, célébrait la messe tous les jours. Les saints rites calmèrent l’agitation que la méfiance d’elle-même élevait dans le cœur de la modeste princesse, ou plutôt firent qu’elle se réfugia sur ce roc où elle avait coutume de déposer toutes ses inquiétudes avec l’aveu de ses fautes. Lorsque la petite réunion sortit de la chapelle, un messager, échauffé par sa course rapide, apporta la nouvelle non inattendue, mais dont on doutait encore, que le roi de Sicile était arrivé en sûreté à Duéñas ; et que, comme il était alors au milieu de ses partisans, il ne pouvait plus y avoir aucun doute raisonnable sur la célébration prochaine du mariage projeté.

Cette nouvelle remplit encore d’agitation le sein d’Isabelle, et il fallut les soins plus qu’ordinaires de Béatrix de Bobadilla pour rétablir en elle cette douce sérénité d’esprit qui rendait ordinairement sa présence aussi attrayante qu’imposante ; après une heure ou deux passées en prières et en méditations, elle sentit enfin un doux calme renaître dans son cœur, et les deux amies se retrouvèrent seules dans le même appartement où nous les avons d’abord présentées au lecteur.

— As-tu vu don Andrès de Cabrera ? dit la princesse, prenant à son amie une main sur laquelle se reposait un front qui était un labyrinthe de souvenirs.

Béatrix de Bobadilla rougit d’abord, et se mit ensuite à rire avec une liberté dont la longue affection de sa maîtresse ne lui fit pas de reproche.

— Pour un jeune homme de trente ans, et un cavalier qui a si longtemps fait la guerre contre les Maures, répondit-elle, don Andrès a encore des pieds agiles. Il a apporté ici la nouvelle de l’arrivée du prince d’Aragon, et il y a apporté en même temps son aimable personne, afin d’en prouver la vérité. Pour un homme qui a tant d’expérience, il aime beaucoup à parler ; et pendant que vous étiez enfermée dans votre cabinet, il m’a fallu écouter les aventures merveilleuses du voyage. Il paraît qu’il était temps qu’ils arrivassent à Duéñas, car la seule bourse qu’ils eussent entre eux tous s’était égarée, ou avait été emportée par le vent, tant elle était légère.