Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/402

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demi contre la violence de la tempête. Lorsqu’il se fut relevé, il s’aperçut que la porte de la chambre était fermée et qu’Ozéma avait disparu.

— Nos pauvres amies sont-elles bien effrayées de cette terrible scène, Luis ? demanda Colomb avec calme ; car, bien que ses pensées fussent fortement occupées de la situation du bâtiment, il avait fait attention à tout ce qui s’était passé si près de lui. Elles sont fortes de cœur, mais une amazone elle-même pourrait trembler à la vue de cette tempête.

— Elles ne la craignent pas, Señor, parce qu’elles ne la comprennent pas, à ce que je crois. Les hommes civilisés sont tellement au-dessus d’elles, qu’elles ont toute confiance dans nos moyens de sûreté. Je viens de donner à Ozéma une croix, et je lui ai conseillé de placer tout son espoir dans ce saint emblème.

— Vous avez bien fait. Dieu est le plus sûr protecteur que nous ayons. — Maintiens le cap de la caravelle aussi près du vent que possible, Sancho, quand il est moins fort. Quand nous ne nous éloignerions que d’un pouce de la terre, c’est autant de gagné. Sancho fit la réponse d’usage, et la conversation cessa. La rage des éléments et les efforts effrayants de la Niña pour se soutenir à la surface de l’eau, fournissaient assez de sujets de réflexion à tous ceux qui contemplaient cette scène.

La nuit se passa de cette manière. Lorsque le jour parut, il éclaira un orage d’hiver dans toute sa violence. Le soleil ne se montra pas dans cette journée ; des vapeurs nébuleuses s’élevaient entre la voûte céleste et les eaux, et formaient un dôme qui paraissait toucher aux vagues. L’Océan n’était plus qu’une masse d’écume blanche ; des côtes élevées parurent bientôt presque par le travers de la caravelle, et les matelots les plus expérimentés déclarèrent que c’était le roc de Lisbonne. Aussitôt que ce fait important fut constaté, l’amiral vira, mit le cap du bâtiment du côté de la terre, et fit gouverner vers l’embouchure du Tage. On n’en était éloigné que de vingt milles peut-être ; mais la nécessité de faire face à la tempête et de faire voile au plus près du vent, dans une pareille tourmente, rendait la position de la caravelle plus critique qu’elle ne l’avait encore été dans ses premières épreuves. En ce moment, la politique des Portugais fut oubliée, ou regardée comme une considération secondaire ; un port ou un naufrage paraissait la seule alternative. Chaque pouce de leur position au vent devenait d’une grande importance pour les na-