Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/467

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! Luis, jamais ces inclinations faibles et passagères n’ont trouvé placé ici, dit Mercédès en posant ses deux mains sur son cœur.

— Notre éducation, Mercédès, nos habitudes, la douceur de votre caractère et la trop grande rudesse du mien, ne peuvent être comparées : autrement, je ne pourrais vous adorer comme je le fais. Si vous n’existiez pas, la certitude d’épouser Ozéma ne me donnerait aucun bonheur. Mais vous vivez, et, vous aimant comme je vous aime, cette union répandrait sur ma vie une amertume que, malgré ma légèreté naturelle, je ne pourrais supporter. Dans aucune circonstance, je ne puis être l’époux de cette Indienne.

Un rayon de bonheur vint éclairer le visage de Mercédès ; mais ses principes si purs et ses nobles intentions eurent bientôt réprimé le sentiment que cet instant de triomphe avait fait naître ; il y eut même dans sa réponse un ton de reproche.

— Êtes-vous juste envers Ozéma ? Sa simplicité n’a-t-elle pas été trompée par cette faible et passagère inclination, et l’honneur ne réclame-t-il pas que vos actions confirment les assurances que vous avez données, du moins par votre conduite ?

— Mercédès, ma bien-aimée, écoutez-moi ; sachez que, malgré mes légèretés, mes tergiversations, je n’ai point de fatuité. Jamais mes manières n’ont exprimé que ce que mon cœur a ressenti, et jamais mon cœur n’a été attiré que vers vous ! En cela consiste la grande différence que j’établis entre vous et toutes les autres personnes de votre sexe. Ozéma n’est pas l’unique femme, ses charmes ne sont pas les seuls, qui m’aient surpris un tendre regard ou une parole d’admiration ; mais vous, votre place est dans mon cœur, et vous faites déjà partie de moi-même. Si vous saviez combien de fois votre image a été pour moi un mentor plus fort que ma conscience ; dans combien d’occasions le souvenir de vos vertus et de votre affection m’ont garanti d’une chute, lorsque le devoir, la religion et les leçons de ma jeunesse eussent été oubliés, vous comprendriez la différence qui existe entre l’amour que je vous porte et ce que vous avez pris tant de plaisir a me répéter, une inclination passagère.

— Luis, je ne devrais pas écouter ces séduisantes paroles ; elles viennent de la bonté d’un cœur qui voudrait m’épargner un chagrin qui est prêt à fondre sur moi, mais qui ne s’aperçoit pas que ma misère n’en serait que plus profonde dans l’avenir. Si vous