Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/484

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sera représenté comme un crime. À la vérité, je laisse derrière moi des amis, tels que Juan Pérez, de Saint-Angel, Quintanilla, et vous : je compte sur vous tous, non pour obtenir des faveurs, mais pour soutenir la cause de la vérité et de la justice.

— Vous pouvez compter, Señor, sur mon faible crédit dans toutes les circonstances. Je vous ai vu dans des jours d’épreuves, et aucune calomnie, aucune fausse interprétation, ne pourra jamais affaiblir ma confiance en vous.

— Je le pensais ainsi, Luis, même avant d’avoir entendu ces affectueuses et énergiques paroles, répondit l’amiral en pressant avec ardeur la main du jeune homme ; je ne sais si Fonséca, qui a pris tant d’influence dans les affaires de l’Inde, est vraiment mon ami. Il y a encore un homme de votre famille et de votre nom, qui m’a déjà regardé d’un œil défavorable, et dont je me méfierais beaucoup s’il trouvait l’occasion de me nuire.

— Je sais de qui vous voulez parler, don Christophe ; et je le considère comme faisant peu d’honneur à la maison de Bobadilla[1].

— Il a néanmoins du crédit auprès du roi, ce qui en ce moment est de la plus redoutable importance.

— Ah ! Señor, il ne faut rien attendre de généreux de ce monarque rusé et à double face. Tant que l’oreille de doña Isabelle restera ouverte à la vérité, il n’y a rien à craindre ; mais don Ferdinand devient chaque jour plus attaché aux choses de ce monde et plus temporiseur. Par la messe ! celui qui dans sa jeunesse était un si vaillant chevalier, devrait-il souiller ses cheveux blancs par une cupidité qui ferait honte à un Maure ! Cependant ma noble tante vaut à elle seule une armée, et elle restera notre fidèle protectrice.

— Dieu gouverne tout, et douter de sa sagesse ou de sa justice serait un péché. — Mais, Luis, parlons un instant de ce qui vous concerne. La Providence vous a confié le bonheur d’un être tel qu’il s’en rencontre rarement sur cette terre. L’homme qui a obtenu du ciel une femme aussi aimable, aussi vertueuse que la vôtre, doit élever un autel dans son cœur, et y offrir à Dieu tous les jours, à toutes les heures, des sacrifices de reconnaissance pour le don qu’il a reçu de sa bonté, puisqu’il jouit du trésor le plus précieux, le plus pur et le plus durable qui nous soit accordé

  1. Don Francesco de Bobadilla. Voyez l’Histoire de Christophe Colomb, par Washington Irving, traduite par Defauconpret. Paris, Charles Gosselin, 4 vol. in-8, 2e édition.
    (Note de l’Éditeur.)