Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
OU LE TUEUR DE DAIMS.

ment à la sincérité ; car les paroles vont droit au cœur quand elles sont sans détour et clairement comprises. Ce fut ce qui arriva à Deerslayer et à Judith ; ce simple chasseur savait convaincre si vite et si profondément ceux qui le connaissaient de son inaltérable franchise, que toutes ses louanges étaient aussi sûres de plaire, que son blâme et ses dédains étaient certains d’exciter l’inimitié quand son caractère n’avait pas inspiré un respect et une affection qui, dans ce cas, rendaient ses reproches pénibles à entendre. Quand, par la suite, cet individu sans façon se trouva en contact avec des officiers de haut rang et des hommes chargés de veiller aux intérêts de l’état, cette même influence s’exerça sur un plus vaste champ ; les généraux eux-mêmes écoutaient ses louanges avec un vif sentiment de plaisir, qu’il n’était pas toujours au pouvoir de leurs supérieurs de leur faire éprouver. Peut-être Judith fut-elle la première personne de sa couleur qui se soumit de plein gré à cette conséquence naturelle de la vérité et de l’honnêteté chez Deerslayer. Elle avait ardemment désiré ses éloges, et elle venait de les recevoir ; et cela, sous la forme la plus agréable à ses faibles et à ses pensées habituelles. On en verra les résultats dans la suite de cette histoire.

— Si nous savions tout ce que contient cette caisse, Deerslayer, dit la jeune fille après qu’elle fut un peu revenue de l’émotion produite en elle par les louanges adressées à sa beauté, nous serions plus en état de prendre une détermination.

— Cela n’est pas déraisonnable, Judith, quoique pénétrer dans les secrets des autres fasse partie des dons des Faces-Pâles plutôt que de ceux des Peaux-Rouges.

— La curiosité est naturelle, et l’on doit s’attendre à trouver les défauts de l’humanité dans tous les hommes. Chaque fois que j’ai été dans les forts, j’ai toujours remarqué que la plupart des individus avaient le désir d’apprendre les secrets de leurs voisins.

— Oui, et quelquefois d’en inventer quand ils ne pouvaient en découvrir. Voilà la différence entre un gentleman rouge et un gentleman blanc. Le Serpent que voici détournerait la tête, s’il regardait, sans le savoir, dans le wigwam d’un autre chef ; au lieu que, dans la colonie, tandis que tous prétendent être de grands personnages, ils prouvent, pour la plupart, qu’il y a des individus au-dessus d’eux, par la manière dont ils parlent de leurs affaires. J’engagerais ma parole, Judith, que vous ne feriez pas avouer au Serpent que voici qu’il y a dans sa tribu un homme assez supérieur à lui pour deviner le but de ses pensées, et pour qu’il voulût mentionner dans sa conversation ses mouvements, ses manières, sa