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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/224

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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Mon frère à visage-pâle a-t-il d’autres bêtes de cette espèce ? demanda à la fin le plus âgé des Iroquois.

— Il y en a d’autres, dans l’endroit d’où vient celle-ci, Mingo ; mais une seule suffit pour racheter cinquante chevelures.

— L’un de mes prisonniers est un guerrier, — grand comme un pin, — fort comme l’élan, — agile comme un daim, — furieux comme une panthère ! Il sera quelque jour un grand chef, et il commandera l’armée du roi George !

— Bah ! — Bah ! — Mingo ; Hurry Harry est Hurry Harry, et vous n’en ferez jamais rien de plus qu’un caporal, si même vous en faites un caporal. Il est sans doute assez grand ; mais cela ne lui sert qu’à se cogner la tête contre les branches, lorsqu’il traverse la forêt. Il est fort ; mais des membres forts ne sont pas une tête forte, et on ne choisit pas les généraux du roi pour leurs bras nerveux. Il est agile, si vous voulez ; mais une balle de carabine est plus agile encore ; et quant à la fureur, ce n’est pas une grande recommandation pour un soldat, car ceux qui s’imaginent être les plus furieux deviennent souvent doux comme des moutons quand il s’agit d’en venir au fait. Non, — non, vous ne feriez jamais passer la chevelure de Hurry pour quelque chose de plus, qu’une bonne touffe de cheveux frisés, recouvrant une tête sans cervelle !

— Mon vieux prisonnier très-sage, — roi du lac, — grand guerrier, habile conseiller !

— Eh bien, il est des gens qui pourraient nier cela aussi, Mingo. Un homme très-sage ne se laisserait pas prendre aussi sottement que s’est laissé prendre maître Hutter ; et s’il donne, de bons conseils, il doit en avoir écouté de mauvais en cette affaire. Il n’y a qu’un seul roi pour ce lac ; il est bien loin d’ici, et il n’est pas probable qu’il le voie jamais. Le vieux Tom est roi de cette contrée, à peu près comme le loup est roi de la forêt dans laquelle il rôde à l’aventure. Une bête à deux queues vaut bien deux semblables chevelures !

— Mais mon frère a une autre bête. — Il en donnera deux, ajouta-t-il en levant deux doigts, pour le vieux père.

— Le vieux Tom n’est pas mon père, mais il n’en sera pas moins bien traité. Quant à donner deux bêtes pour sa chevelure quand chacune de ces bêtes a deux queues, cela est tout à fait contre le bon sens. Estimez-vous heureux, Mingo, même si vous faites un marché bien moins avantageux.

En ce moment, l’admiration de Rivenoak avait fait place au sang-froid, et il commença à revenir à ses habitudes de ruse, afin de con-