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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/248

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OU LE TUEUR DE DAIMS.

— Que voulez-vous, pauvre Hetty ? Vous ne savez pas ce que c’est que la soif de l’or et de la vengeance, si vous croyez qu’on puisse l’éteindre aussi aisément ! Mais cette affaire est étrange sous plus d’un rapport, Judith. J’entends votre père et Hurry gronder comme des ours, et cependant la voix du jeune chef reste silencieuse. Il paraît que le secret ne leur est plus nécessaire, et cependant le cri de guerre de Chingachgook, qui devrait retentir dans les montagnes, suivant l’usage en de telles circonstances, ne se fait pas entendre.

— La justice du ciel l’a peut-être frappé, et sa mort a sauvé la vie à des innocents.

— Non pas, non pas, le Serpent n’est pas celui qui en aurait été atteint, si cela était. Il faut qu’il n’y ait point eu d’attaque, et très-probablement le camp a été abandonné, et nos hommes reviennent désappointés. Voilà ce qui explique la mauvaise humeur de Hurry et le silence du Serpent.

Au même instant, on entendit le bruit d’une rame qui tombait dans la pirogue, car l’irritation avait rendu March insouciant, et Deerslayer fut convaincu de la justesse de sa conjecture. La voile ayant été amenée, l’arche n’avait pas dérivé bien loin, et au bout de quelques minutes il entendit Chingachgook qui indiquait à Hutter la direction à suivre pour arriver au scow. En moins de temps que nous n’en mettons à le dire, la pirogue aborda, et les aventuriers entrèrent dans l’arche. Ni Hutter ni Hurry ne parlèrent de ce qui était arrivé ; mais le Delaware, en passant auprès de son ami, murmura ces seuls mots : Feu éteint ; explication qui, si elle n’était pas littéralement exacte, suffit pour instruire Deerslayer de la vérité. Il fallut alors déterminer la route à suivre. Après une courte conférence, dont le ton ne fut pas très-amical, Hutter décida que le plus sage parti était de tenir le scow sans cesse en mouvement pour mieux déjouer toute tentative de surprise, et il annonça que March et lui avaient l’intention de se coucher pour s’indemniser de ce qu’ils avaient perdu de sommeil durant leur captivité. Comme la brise était toujours légère et variable, il fut enfin arrêté qu’on voguerait toujours vent arrière de quelque point qu’elle soufflât, tant qu’elle ne pousserait pas l’arche vers le rivage. Cette question résolue, les captifs libérés aidèrent à établir la voile, puis ils se jetèrent sur deux des couchettes, laissant à Deerslayer et à son ami le soin de gouverner le scow. Comme ni l’un ni l’autre de ces derniers n’était disposé à dormir à cause du rendez-vous donné par Hist, cet arrangement fut du goût de tous, et la présence de Judith