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OU LE TUEUR DE DAIMS.

lent. Chacun d’eux avait ses armes près de lui, tantôt appuyées contre le même arbre que son maître, tantôt jetées avec insouciance en travers de son corps. Mais le groupe qui attira le plus l’attention de Deerslayer fut celui qui était composé des femmes et des enfants. Toutes les femmes semblaient être réunies, et chaque mère, comme de raison, avait près d’elle ses enfants. Elles riaient et causaient avec leur retenue et leur tranquillité habituelles ; mais quiconque aurait connu les habitudes de cette nation se serait aperçu que tout n’y allait pas à la manière ordinaire. La plupart des jeunes femmes semblaient avoir leur légèreté d’esprit accoutumée ; mais une vieille sorcière à figure rechignée et assise à quelque distance avait l’air de surveiller tout ce qui se passait ; et le chasseur savait que c’était une preuve qu’elle avait été chargée par les chefs de quelque devoir d’une nature désagréable. Quel était ce devoir ? il n’avait aucun moyen de le savoir ; mais il était convaincu qu’il devait, de manière ou d’autre, avoir rapport à son propre sexe, les vieilles femmes n’étant chargées que de pareils emplois.

Les yeux de Deerslayer cherchèrent naturellement partout avec attention et inquiétude la jeune Hist ; il ne l’aperçut nulle part, quoique la lumière pénétrât à une grande distance du feu dans toutes les directions. Il tressaillit une ou deux fois, croyant la reconnaître à sa manière de rire ; mais ses oreilles avaient été trompées par le son mélodieux si commun à la voix des jeunes Indiennes. Enfin la vieille femme parla tout haut avec un accent de colère ; et il vit tout à fait à l’arrière-plan deux ou trois figures sombres s’avancer vers la partie du camp qui était mieux éclairée, comme pour obéir à l’ordre qui venait d’être donné. Un jeune guerrier fut le premier qui se montra distinctement. Deux jeunes filles le suivaient à quelques pas, et l’une d’elles était la Delaware prisonnière. Deerslayer comprit tout alors : Hist était surveillée, peut-être par son jeune compagnon, et à coup sûr par la vieille femme. Le jeune homme était sans doute quelque admirateur de Hist ou de sa compagne ; mais sa discrétion même portait l’empreinte de la défiance, en dépit de son admiration. Le voisinage bien connu de ceux qu’ils pouvaient regarder comme amis de la jeune fille, et l’arrivée d’un homme rouge étranger sur le lac, avaient fait prendre aux Indiens des précautions inusitées, de sorte qu’elle n’avait pu se soustraire à leur vigilance pour se trouver au rendez-vous. Deerslayer remarqua son agitation, en la voyant à plusieurs reprises lever les yeux, en ayant l’air de chercher à découvrir entre les branches d’arbres l’étoile qu’elle avait elle-même désignée pour les guider au lieu du