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DEERSLAYER

pour préparer les cordes que les deux autres trouvèrent prêtes quand ils arrivèrent, et dont on a vu l’usage qu’ils firent. La position des deux combattants se trouva ainsi tout à coup changée. Celui qui avait été sur le point de remporter une victoire qui l’aurait rendu célèbre pendant des siècles, par le moyen de la tradition, dans toute cette contrée, se trouvait captif, garrotté et privé de tout espoir. Les efforts qu’il avait faits pendant le combat, la force prodigieuse dont il avait donné des preuves, faisaient que, même en ce moment qu’il était devant eux, lié comme un mouton qu’on va égorger, les Hurons le regardaient avec respect, et non tout à fait sans crainte. Le corps du plus vaillant et du plus robuste de leurs guerriers était encore étendu sur la plate-forme ; et quand ils jetèrent les yeux vers le lac en cherchant leur camarade que Hurry y avait jeté avec si peu de cérémonie, et qu’ils avaient oublié pendant la confusion du combat, ils virent au fond de l’eau son corps inanimé dans la situation que nous avons décrite plus haut. Ces diverses circonstances contribuèrent à rendre la victoire des Hurons presque aussi fâcheuse pour eux qu’une défaite.

Chingachgook et Hist avaient vu de l’arche la lutte qui avait eu lieu sur la plate-formes Quand les trois Hurons se préparèrent à passer les cordes autour des bras de Hurry, le Delaware chercha sa carabine ; mais avant qu’il eût eu le temps de s’en servir, Hurry était garrotté, et tout le mal était fait. Il pouvait encore tuer un ennemi, mais il n’aurait pu enlever sa chevelure ; et le jeune chef, qui aurait volontiers couru le risque de la vie pour obtenir un pareil trophée, hésitait à sacrifier même celle d’un ennemi sans avoir en vue un but semblable. Un regard jeté sur Hist et l’idée des suites que pouvait entraîner un seul coup de carabine arrêta en lui tout désir passager de vengeance. Il n’y a peut-être aucun travail des mains auquel les hommes soient si gauches et si maladroits, quand ils commencent à l’essayer, que le maniement des rames, le marinier et le batelier expérimenté échouant eux-mêmes dans les efforts qu’ils font pour rivaliser avec le célèbre gondolier. En un mot, il est pendant quelque temps impossible à un commençant de réussir avec une seule rame. Mais dans le cas où se trouvait Chingachgook, il fallait qu’il en employât deux en même temps, et d’une grande dimension. Il est vrai qu’un novice apprend plus vite à se servir des avirons ou des grandes rames que des petites, et c’était pourquoi le Delaware avait si bien réussi à ramer sur l’arche la première fois qu’il l’avait essayé ; mais cet essai avait suffi pour faire naître en lui la méfiance de lui-même ; et il savait parfaitement