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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/317

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DEERSLAYER

le château et à s’approcher de l’arche du côté de l’est. Tout fut inutile. Elles étaient trop loin pour reconnaître Hist, et ses gestes excitèrent leur méfiance ou furent mal compris. Judith ne connaissait pas encore assez bien l’état véritable des choses pour savoir si elle devait accorder sa confiance à ceux qui étaient sur l’arche ou à ceux qui se trouvaient dans le château. Au lieu donc d’agir comme on l’y invitait, elle s’éloigna davantage, et rama de manière à retourner vers le nord, c’est-à-dire dans la partie la plus large du lac, partie d’où elle commandait la vue la plus étendue, et d’où elle avait le plus de facilité pour fuir. Ce fut en ce moment que le soleil se montra par-dessus les cimes des pins qui croissaient sur les montagnes du côté de l’orient, et qu’il s’éleva une légère brise du sud, ce qui arrivait presque toujours à cette heure dans cette saison.

Chingachgook ne perdit pas de temps pour établir la voile. Quoi qu’il dût lui arriver, il ne pouvait y avoir aucun doute qu’il ne fût à propos d’éloigner l’arche du château, à une distance qui ne permît aux ennemis de s’en approcher qu’à l’aide de la pirogue que les chances de la guerre avaient si malheureusement mise entre leurs mains. L’apparition de la voile déployée fut la première chose qui tira les Hurons de leur léthargie. Le scow avait alors déjà fait une abattée, mais malheureusement du mauvais bord. Hist jugea nécessaire d’avertir son amant de la nécessité de mettre sa personne à l’abri des mousquets des ennemis. C’était un danger à éviter dans tous les cas, et d’autant plus que le Delaware vit que Hist ne voulait pas se mettre à l’abri elle-même tant qu’il resterait exposé. Il abandonna le scow à la conduite du vent, fit entrer Hist dans la cabine, l’y suivit, en ferma bien la porte, et prépara ses mousquets.

La situation de toutes les parties était alors assez singulière pour mériter une description particulière. L’arche était au sud, ou au vent du château, à environ trente toises, avec le vent dans la voile, et l’aviron servant de gouvernail abandonné. Heureusement cet aviron n’était pas en place, car sans cela il aurait pu contrarier le mouvement de dérive de ce bateau abandonné à lui-même. La voile étant, comme disent les marins, appareillée en bannières, les écoutes amarrées, mais les bras de la vergue largues, elle était poussée sur l’avant par le vent. Il en résulta un triple effet sur un bateau dont le fond était parfaitement plat, et qui ne tirait que trois à quatre pouces d’eau ; cela le força d’arriver en arrondissant, et la pression de tout le bateau sous le vent causa inévitablement un mouvement de vitesse sur l’avant. Tous ces changements furent pourtant extrê-