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OU LE TUEUR DE DAIMS.

avec les mains, mais avec ses dents. Il était excellent nageur, et, garrotté comme il l’était, il eut recours au seul expédient qu’eussent pu lui suggérer la philosophie et la réflexion. Il était tombé sur le dos, et au lieu de chercher à faire, pour se soutenir en ligne droite sur l’eau, des efforts qui n’auraient abouti qu’à le noyer, il laissa enfoncer son corps, qui était déjà submergé à exception de sa tête quand le cordage tomba sur lui. Il aurait pu rester dans cette situation jusqu’à ce que les Hurons vinssent le tirer de l’eau, s’il n’avait pas eu d’autre aide, mais le mouvement du scow roidit l’écoute, ce qui lui facilita le moyen de maintenir sa tête hors de l’eau. Traîné ainsi à la remorque, un homme de sa force aurait pu faire un mille de cette manière aussi simple que singulière.

Nous avons dit que les Hurons n’avaient pas remarqué la disparition soudaine de Hurry. Dans la position où il se trouvait, il était caché à leurs yeux par la plate-forme, et à mesure que l’arche avança, le vent étant alors dans sa voile, la palissade lui rendit le même service. Les Hurons étaient d’ailleurs trop occupés de leur dessein de tuer leur ennemi delaware en lui envoyant une balle par une des meurtrières ou des fentes de la cabine, pour songer à un homme dont ils se croyaient assurés. Leur grand objet d’attention était la manière dont l’arche avançait en continuant à frotter contre les pilotis, friction qui diminuait de moitié la vitesse de son mouvement, et ils passèrent du côté du château qui donnait sur le nord, afin de pouvoir tirer par les meurtrières de cette partie du bâtiment. Chingachgook était également aux aguets, et ne connaissait pas plus qu’eux la situation de Hurry. Pendant que l’arche avançait ainsi, les mousquets envoyaient de part et d’autre leurs petites colonnes de fumée dans les airs, mais les yeux des deux partis étaient trop exercés et leurs mouvements trop rapides pour permettre que personne fût blessé. Enfin on eut d’un côté la mortification et de l’autre le plaisir de voir le scow s’écarter tout à fait de la palissade, et avancer vers le nord avec un mouvement matériellement accéléré.

Ce fut alors que Hist apprit à Chingachgook la position critique de Hurry. Se montrer l’un ou l’autre sur l’arrière, c’eût été courir à une mort certaine. Heureusement l’écoute à laquelle Hurry était cramponné conduisait à l’avant du scow ; le Delaware se hâta de la larguer du taquet auquel elle était amarrée sur l’arrière, et Hist, qui était déjà sur l’avant dans ce dessein, se mit aussitôt à haler ce cordage. En ce moment, Hurry était traîné à cinquante ou soixante pieds en arrière, n’ayant que la tête hors de l’eau. Lorsqu’il ne fut