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DEERSLAYER

que fait l’un d’eux en approchant le plus près possible de l’autre. Quelque longue que soit cette espèce de chasse, comme on en convient, Judith, avant d’avoir gagné le centre du lac, fut en état de s’apercevoir que les Hurons approchaient d’elle de plus en plus. Elle n’était pas fille à désespérer de ses ressources ; mais il fut un moment où elle songea à se rendre, afin d’être conduite dans le camp où Deerslayer était prisonnier. Mais quelques considérations relatives aux moyens qu’elle espérait pouvoir employer pour obtenir la liberté du jeune chasseur bannissant cette idée de son esprit, elle ne songea plus qu’à faire de nouveaux efforts pour échapper. S’il se fût trouvé là quelqu’un pour observer la vitesse comparative des deux pirogues, il aurait remarqué un accroissement sensible de distance entre celle de Judith et celle des Hurons, les pensées auxquelles elle se livrait avec ardeur lui faisant trouver de nouvelles forces. La différence de vitesse entre les deux nacelles, pendant les cinq minutes qui suivirent, fut si évidente, que les Indiens virent qu’il fallait qu’ils fissent les derniers efforts, ou qu’ils auraient la honte d’avoir été vaincus par deux femmes. Mais tandis qu’ils ramaient avec une sorte de fureur pour éviter cette mortification, l’un d’eux cassa une rame à l’instant où il la prenait de la main d’un de ses camarades pour le relever. Cet accident décida l’affaire : une pirogue contenant trois hommes, et n’ayant qu’une rame, ne pouvait espérer de rejoindre des fugitives comme les filles de Thomas Hutter.

— Tenez, Judith, s’écria Hetty qui avait vu cet accident ; vous voyez qu’il est utile de prier. Les Hurons ont brisé une rame, et jamais ils ne pourront nous atteindre.

— Je n’ai jamais nié l’efficacité de la prière, Hetty, et je regrette souvent avec amertume de n’avoir pas moi-même prié davantage, et moins songé à ma beauté. — Oui, nous sommes en sûreté à présent, et quand nous serons un peu plus loin au sud, nous pourrons respirer librement.

Elles continuèrent à ramer ; mais les Indiens renoncèrent à la chasse aussi subitement qu’un navire qui vient de perdre un mât important. Au lieu de poursuivre la pirogue de Judith, qui fendait l’eau rapidement vers le sud, ils se dirigèrent vers le château, et ne tardèrent pas à débarquer sur la plate-forme. Craignant qu’ils ne trouvassent quelques rames dans la maison, les deux sœurs continuèrent à s’éloigner jusqu’à ce qu’elles fussent à une distance qui leur donnait toute chance d’échapper à leurs ennemis s’ils se remettaient à leur poursuite. Il paraît que les sauvages n’avaient pas