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DEERSLAYER

sente-t-il comme le plus sage ? Sa tête parle-t-elle comme son cœur ?

— Que dit Wah-ta !-Wah, dans un moment où mon plus cher ami est en si grand danger ? Les petits oiseaux sont ceux qui chantent le mieux ; il est toujours agréable d’entendre leur voix. Je voudrais entendre chanter le Roitelet des Bois dans la difficulté où je me trouve. Son chant arriverait plus profondément jusqu’à mes oreilles.

Hist éprouva encore une fois la vive satisfaction que causent toujours les éloges quand ils nous sont accordés par ceux que nous aimons. — Le Chèvrefeuille des Montagnes était un nom que les jeunes guerriers delawares donnaient souvent à Hist, quoiqu’elle n’en trouvât jamais le son si agréable sur leurs lèvres que sur celles de Chingachgook ; mais ce dernier était le seul qui l’eût jamais appelée le Roitelet des Bois ; c’était une expression devenue familière dans sa bouche, et Hist aimait particulièrement à l’entendre, car elle y trouvait l’assurance que ses avis et ses sentiments étaient aussi agréables à son mari futur que son langage et le son de sa voix. Elle serra la main du jeune guerrier entre les deux siennes, et lui répondit :

— Wah-ta !-Wah dit que ni elle ni le Grand-Serpent ne pourront plus rire, et qu’ils ne dormiront jamais sans rêver aux Hurons, si Deerslayer périt sous le tomahawk des Mingos sans qu’ils fassent rien pour le sauver. Elle aimerait mieux retourner en arrière et faire son long voyage toute seule, que de laisser un nuage si noir couvrir le bonheur de toute sa vie.

— Bon ! Le mari et la femme n’auront qu’un cœur, ils verront des mêmes yeux, et seront animés des mêmes sentiments.

Il est inutile de rapporter la suite de cette conversation. Elle continua à rouler sur Deerslayer, et l’on verra ci-après quelle détermination prit le jeune couple. Cet entretien durait encore quand le soleil se montra au-dessus de la cime des pins, et versa des torrents de lumière sur le lac, sur les forêts et sur les collines. Le jeune chasseur sortit en ce moment de la cabine de l’arche, et monta sur la plate-forme. Son premier regard fut pour le firmament, dont aucun nuage ne couvrait l’azur ; le second fut pour admirer ce beau panorama d’eau et de verdure ; alors il fit un signe de tête à son ami, et adressa un sourire enjoué à la jeune Indienne.

— Eh bien, dit-il avec l’air calme et tranquille qui lui était ordinaire, celui qui voit le soleil se coucher à l’ouest, et qui s’éveille assez de bonne heure le lendemain matin, est sûr de le voir repa-