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OU LE TUEUR DE DAIMS.
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douter un peu qu’il en soit un dans l’autre monde. — Hetty, continua-t-il en anglais, nous devons toujours espérer le mieux, c’est le plus sage, et c’est ce qui met l’esprit le plus en repos, quand on peut le faire. Je vous recommande de mettre votre confiance en Dieu, et de ne pas vous livrer à de fâcheux pressentiments et à des craintes inutiles. — Il est étonnant, Judith, combien les hommes se font d’idées différentes sur l’avenir, les uns s’imaginant une chose, les autres une autre. J’ai connu des missionnaires qui enseignaient que tout était esprit dans l’autre monde, et j’en ai vu qui disaient que les corps y seront transportés, à peu près comme le pensent les Peaux-Rouges ; que nous nous y promènerons en chair et en os, que nous nous y reconnaîtrons, et que nous y causerons avec nos amis comme nous le faisons ici.

— Laquelle de ces opinions vous plaît davantage, Deerslayer ? demanda Judith. Vous serait-il désagréable de penser que vous retrouverez dans un autre monde tous ceux qui sont en ce moment sur cette plate-forme ? ou nous avez-vous connus assez ici pour être charmé de ne plus nous revoir ?

— Cette idée remplirait ma mort d’amertume. Il y a maintenant huit bonnes années que le Serpent et moi nous avons commencé à chasser ensemble, et la pensée que nous ne nous reverrions jamais serait cruelle pour moi. Il attend avec confiance le moment où nous chasserons de compagnie une espèce d’esprits de daims sur des plaines où il ne croîtra ni ronces ni épines, et où il n’y aura ni marécages ni autres obstacles à surmonter. Moi, je ne puis entrer dans toutes ces idées, vu qu’elles paraissent contre toute raison. Des esprits ne peuvent avoir besoin ni de nourriture ni de vêtements, et l’on ne peut légitimement chasser les daims que pour les tuer, ni les tuer que pour se nourrir de leur chair ou se couvrir de leur peau. Or, je trouve difficile de croire que des esprits bienheureux s’occupent à chasser sans objet, et tourmentent de pauvres animaux uniquement pour s’en faire un amusement. Je n’ai jamais tiré un coup de fusil sur un daim, Judith, à moins que je n’eusse besoin de nourriture ou de vêtements pour moi ou pour les autres.

— Et ce souvenir, Deerslayer, doit être à présent une grande consolation pour vous.

— Sans doute, mes amis ; c’est cette pensée qui met un homme en état de songer sans crainte au terme de son congé. On pourrait y être exact sans cela, j’en conviens, car les Peaux-Rouges les moins honnêtes font quelquefois leur devoir à cet égard ; mais cela rend plus léger, sinon tout à fait à notre goût, ce qui semblerait bien