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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/413

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DEERSLAYER

espèce continuaient à s’y arrêter, comme ils le font encore même aujourd’hui. En ce moment on y voyait une centaine d’oiseaux dormant sur l’eau ou y lavant leurs plumes, quoique aucun d’eux n’offrît un point de mire si favorable que celui que Deerslayer venait de montrer à son ami. Le chef delaware, suivant son usage, ne parla point, mais se mit à l’œuvre. Cette fois, il ajusta l’oiseau avec plus de soin que la première, et il réussit en proportion ; l’oiseau eut une aile cassée, et il courut sur l’eau en glapissant et en s’éloignant de ses ennemis.

— Voici un oiseau dont il faut finir les souffrances, dit Deerslayer en le voyant faire un effort inutile pour prendre son vol ; et voici l’œil, la main et le mousquet qui le feront.

Le canard continuait à se débattre sur l’eau, quand la balle fatale le frappa, et lui sépara la tête du cou, aussi net que si c’eût été l’effet d’un coup de hache. Hist avait poussé un cri de plaisir en voyant le succès du jeune Indien, mais elle affecta un air de mécontentement de l’adresse supérieure de son ami. Le chef au contraire poussa son exclamation ordinaire de joie et de surprise, prouvant qu’il savait admirer un rival, et combien il était inaccessible à l’envie.

— Ne songez pas à Hist, Serpent, n’y songez pas, s’écria Deerslayer en riant. Ses sourcils froncés ne peuvent ni étouffer, ni noyer, ni tuer, ni embellir. Il est naturel à une femme, après tout, de partager la victoire ou la défaite de son mari, et vous êtes déjà comme mari et femme, en tant qu’il s’agit d’affection. Mais voici un oiseau qui vole sur nos têtes, et qui mettra également à l’épreuve la bonté des armes et celle du coup d’œil.

Un aigle de l’espèce de ceux qui fréquentent l’eau et qui vivent de poisson, volait en ce moment à une grande hauteur au-dessus du château, attendant l’occasion de fondre sur quelque proie, ses petits élevant leurs têtes au-dessus des bords d’un nid qu’on aurait pu voir sur la cime nue d’un pin mort. Chingachgook prit en silence un autre mousquet, le leva vers l’oiseau, et après avoir bien ajusté, fit feu. Un cercle plus étendu, que l’aigle commença alors à décrire, indiqua que le messager envoyé à l’oiseau avait passé près de lui, quoiqu’il ne l’eût pas atteint. Deerslayer, dont le coup d’œil était aussi sûr que la main était prompte, tira dès qu’il fut certain que son ami avait manqué son coup. L’aigle descendit si rapidement que le jeune chasseur crut un instant l’avoir blessé ; mais voyant l’oiseau commencer à décrire un nouveau cercle, et lui soupçonnant l’intention de s’éloigner, il annonça lui-même qu’il