Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
DEERSLAYER

conspection dans tous leurs mouvements, et elle glissait sur l’eau comme si elle eût flotté dans l’air. En ce moment les deux voyageurs entendirent le craquement d’une branche sèche sur l’étroite langue de terre qui séparait la baie du lac. Ils tressaillirent, et chacun d’eux avança la main vers son fusil, qui était toujours à la portée de leur bras.

— Le pied qui a appuyé sur cette branche n’est pas celui d’un animal léger, dit Hurry à voix basse ; il a fait un bruit qui ressemble au pas de l’homme.

— Non, non, répondit Deerslayer du même ton ; si le pied était trop pesant pour être celui d’un animal faible, il était trop léger pour appartenir à un homme. Mettez votre rame à l’eau, et faites approcher la pirogue du rivage ; je sauterai à terre, et je couperai la retraite à cette créature, que ce soit un Mingo ou un rat musqué.

Deerslayer fut bientôt sur la pointe, et il y avança avec assez de précaution pour ne faire aucun bruit. Comme il arrivait à mi-chemin de la largeur de cette étroite langue de terre, marchant à pas lents au milieu d’épaisses broussailles, et l’œil au guet, il entendit encore une fois le craquement d’une branche de bois mort, et le même bruit se répéta à courts intervalles, comme si quelque créature vivante se fût avancée vers l’extrémité de la pointe. Hurry entendit aussi ces sons, et repoussant la pirogue dans la baie, il attendit ce qui allait arriver. Au bout d’une minute qu’il passa presque sans respirer, il vit un noble daim sortir des broussailles, s’avancer à pas lents vers l’extrémité sablonneuse de la langue de terre, et se désaltérer dans l’eau pure du lac. Hurry hésita un instant, puis, levant son fusil et l’appuyant contre son épaule, il ajusta le daim, et fit feu. L’explosion fut suivie de quelques moments de silence pendant lesquels le son flottait en l’air et traversait le lac ; mais quand il eut atteint les rochers et les montagnes qui couvraient l’autre côte, les vibrations s’accumulèrent, roulèrent de cavité en cavité, et semblèrent éveiller tous les échos des forêts. Le daim ne fit que secouer la tête au bruit de l’explosion et au sifflement de la balle, car c’était la première fois qu’il se trouvait en contact avec l’homme ; mais les échos des montagnes éveillèrent sa méfiance, et sautant en avant, les jambes repliées sous son corps, il se jeta à l’eau et se mit à nager pour gagner l’extrémité du lac. Hurry poussa un grand cri, et fit force de rames pour atteindre l’animal fuyant. Pendant une ou deux minutes l’eau écumait entre le daim et le chasseur ; et le dernier allait doubler la pointe,