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OU LE TUEUR DE DAIMS.

rétif ; je vous dis que tout cela n’est rien pour moi. Les orphelins doivent être nourris et soignés par leurs parents et les membres de leur tribu, et non par d’autres. Quant à moi, je n’ai pas d’enfants, et je n’ai pas besoin de femme. Retirez-vous donc, Sumac, et laissez-moi entre les mains de vos chefs ; car ma couleur, mes dons et la nature même se récrient contre l’idée de vous avoir pour femme.

Il est inutile d’appuyer sur l’effet que produisit une réponse si positive. S’il y avait dans le sein de la veuve quelque chose qui ressemblât à de la tendresse, — et quel cœur de femme fut jamais entièrement dépourvu de cette qualité de son sexe ? — ce sentiment disparut à une réplique si peu équivoque. L’orgueil mortifié, le désappointement, la fureur, un volcan de courroux, firent une explosion soudaine, comme si elle eut perdu l’esprit au coup de baguette d’un magicien. Poussant des cris de rage qui firent retentir la forêt, elle se jeta sur le prisonnier et le saisit par les cheveux, qu’elle semblait résolue à lui arracher. Il se passa quelques instants avant qu’on pût l’éloigner de sa victime. Heureusement pour Deerslayer, la fureur de cette femme fut aveugle, car, dans l’impuissance totale où il était de se défendre, elle aurait pu le sacrifier à sa vengeance avant qu’on eût eu le temps de venir à son secours. Elle ne réussit pourtant qu’à lui arracher une ou deux poignées de cheveux avant qu’on l’entraînât.

Cette insulte à la veuve fut regardée comme faite à toute la tribu, moins pourtant par respect pour elle que par égard pour l’honneur des Hurons. Le Sumac elle-même était considérée comme ayant dans son caractère autant d’acidité que le fruit de l’arbuste dont elle portait le nom, et à présent qu’elle avait perdu ses deux grands appuis, son mari et son frère, peu de personnes se donnaient la peine de déguiser l’aversion qu’elle leur inspirait. Cependant il était devenu un point d’honneur de punir la Face-Pâle qui avait dédaigné une Huronne ; et qui avait déclaré froidement qu’il préférait mourir plutôt que de décharger la tribu du soin de fournir aux besoins d’une veuve et de ses enfants. Les jeunes gens manifestèrent leur impatience de commencer les tortures ; les vieux chefs ne montrèrent aucune disposition à permettre un plus long délai, et Rivenoak se trouva obligé de donner le signal de cette œuvre infernale.