Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/480

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
475
OU LE TUEUR DE DAIMS.

dans l’intérieur du cercle, et dispersa avec le pied les branches qui commençaient à s’enflammer. À ce second désappointement, tous les Hurons poussèrent de grands cris ; mais quand l’Indienne leva la tête vers eux, et qu’ils reconnurent les traits de Hist, les cris de fureur firent place à des exclamations de surprise et de plaisir. Pendant une minute personne ne songea au prisonnier, et tous les Hurons, jeunes et vieux, se groupèrent autour de Hist pour lui demander la cause de son retour soudain et inattendu. Ce fut en ce moment critique que Hist dit quelques mots à voix basse à Judith, en lui plaçant dans la main un petit objet sans que personne le vît. Elle se tourna ensuite vers les jeunes Huronnes, qui avaient toutes de l’amitié pour elle, et entra avec elles en conversation. De son côté, Judith reprit son sang-froid et agit avec promptitude. Elle remit sur-le-champ à Hetty le petit couteau à lame bien tranchante qu’elle venait de recevoir de Hist, croyant que c’était le moyen le plus sûr de le faire passer à Deerslayer. Mais l’intelligence bornée de Hetty déjoua les espérances bien fondées des trois autres. Au lieu de lui rendre la liberté des mains, et de lui remettre le couteau pour qu’il s’en servît quand il jugerait le moment favorable, elle commença par couper ouvertement le bandeau qui attachait son front à l’arbre. Les Hurons s’en aperçurent, ils coururent à elle, et ils l’entraînèrent à l’instant où elle coupait une corde passée autour de sa poitrine. Cette découverte fit soupçonner Hist, et quand on la questionna, l’Indienne intrépide, à la grande surprise de Judith, avoua sans hésiter la part qu’elle avait prise à ce qui venait de se passer.

— Et pourquoi n’aurais-je pas cherché à secourir Deerslayer ? demanda-t-elle d’un ton ferme. Il est frère d’un chef delaware, et mon cœur est tout delaware. Avancez, misérable Briarthorn ; effacez de votre visage les couleurs iroquoises, et montrez aux Hurons le lâche que vous êtes, vous qui mangeriez la charogne de vos frères plutôt que de manquer d’aliments. Mettez-le en face de Deerslayer, chefs et guerriers, et je vous ferai voir quel misérable vous avez reçu dans votre tribu.

Ce discours hardi, prononcé dans leur propre dialecte, et d’un air plein de confiance, produisit une forte sensation parmi les Hurons. La trahison fait toujours naître la méfiance, et quoique Briarthorn se fût efforcé de bien servir ses ennemis naturels, ses efforts n’avaient abouti qu’à le faire tout au plus tolérer parmi eux. Son désir d’obtenir Hist pour femme l’avait d’abord porté à la trahir, ainsi que sa tribu ; mais il avait bientôt trouvé des rivaux plus