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OU LE TUEUR DE DAIMS.

qu’il n’est nécessaire, dit Hutter en regardant à travers les branches qui cachaient son arche, comme s’il eût déjà craint d’apercevoir un ennemi sur la rive opposée de la rivière. — Il ne nous reste guère qu’une heure de jour, et il nous serait impossible de partir dans l’obscurité sans faire un bruit qui nous trahirait. Avez-vous entendu l’écho d’un coup de feu dans les montagnes, il y a environ une demi-heure ?

— Oui, oui, et le coup aussi, répondit Hurry ; qui sentit alors l’indiscrétion qu’il avait commise, car c’est moi-même qui l’ai tiré.

— Je craignais qu’il ne l’eût été par les Indiens alliés aux Français ; mais il peut leur donner l’éveil et leur fournir le moyen de nous découvrir. Vous avez eu tort de faire feu, en temps de guerre, sans nécessité pressante.

— C’est ce que je commence à croire moi-même, oncle Tom ; et cependant, si l’on ne peut se hasarder à tirer un coup de fusil dans une solitude de mille milles carrés, quel besoin a-t-on d’en porter un ?

Hutter eut alors une longue consultation avec ses deux hôtes, et il leur fit bien comprendre dans quelle situation il était. Il leur fit sentir la difficulté qu’ils trouveraient à faire remonter à l’arche une rivière si rapide et si étroite pendant l’obscurité, sans faire un bruit qui ne pouvait manquer d’être entendu par des oreilles indiennes. Tous les rôdeurs qui pourraient se trouver dans leur voisinage se tiendraient près de la rivière et du lac ; mais les bords de la rivière étaient si marécageux en beaucoup d’endroits, elle faisait un si grand nombre de coudes, et les rives en étaient tellement couvertes de buissons épais, qu’il était facile de la remonter pendant le jour sans faire de bruit, et sans courir un bien grand danger d’être vu. L’oreille était même encore plus à craindre que les yeux, tant qu’ils seraient sur une rivière étroite, bordée d’arbres et de buissons dont les branches formaient un dais sur leur tête, ou se courbaient jusque dans l’eau.

— Je n’entre jamais derrière cet abri, qui est commode pour mes trappes, et qui est plus que le lac à l’abri des yeux curieux, sans me ménager les moyens d’en sortir, continua cet être singulier. — Il est plus facile de tirer que de pousser. Mon ancre est en ce moment mouillée dans le lac, au-dessus de l’endroit où le courant commence à se faire sentir ; une corde y est attachée ; vous la voyez là ; et il n’y a qu’à la tirer pour y arriver. Sans quelque aide semblable, une paire de bras aurait fort à faire pour faire remonter la rivière à un scow comme celui-ci. J’ai aussi une sorte de chèvre qui aide à tirer la corde dans l’occasion. Judith sait gouverner le scow sur l’arrière