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DEERSLAYER

— Judith n’épousera jamais Hurry, répondit Hetty d’un ton doux mais positif ; Judith n’aime pas Hurry.

— C’est plus que vous ne pouvez savoir, Hetty. Hurry March est le plus beau, le plus fort et le plus hardi des jeunes gens qui soient jamais venus sur les bords de ce lac, et comme Judith est la plus grande beauté de toute la frontière, je ne vois pas ce qui les empêcherait de se marier ensemble. C’est à condition que j’y consentirais qu’il m’a presque promis d’entreprendre avec moi l’expédition dont nous causions.

Hetty commença à remuer le corps en avant et en arrière, et à donner d’autres signes d’agitation mentale ; mais elle fut plus d’une minute sans rien répondre. Son père, accoutumé à ses manières, et ne lui soupçonnant aucune cause immédiate d’inquiétude, continua à fumer avec cette apparence de flegme qui semble appartenir à ce genre de jouissance.

— Hurry est beau, mon père, dit-elle avec une emphase pleine de simplicité, dont elle se serait probablement bien gardée si son esprit eût senti les conséquences que les autres pouvaient en tirer.

— C’est ce que je viens de vous dire, mon enfant, murmura Hutter sans ôter sa pipe de sa bouche. C’est le plus beau jeune homme de cette partie du pays, comme Judith est la plus belle fille que j’aie jamais vue depuis les beaux jours de la jeunesse de votre mère.

— Est-on coupable pour être laide, mon père ?

— On peut être coupable de bien des choses qui sont pires. Mais vous n’êtes pas laide, Hetty, quoique vous ne soyez pas aussi belle que Judith.

— Judith en est-elle plus heureuse, pour être si belle ?

— Elle peut l’être, où elle peut ne pas l’être, mon enfant. — Mais parlons d’autre chose, car vous comprenez à peine tout ceci. — Comment trouvez-vous notre nouvelle connaissance Deerslayer ?

— Il n’est pas beau, mon père ; Hurry l’est beaucoup plus.

— Cela est vrai ; mais c’est un chasseur qui a de la réputation. J’en avais entendu parler avant de l’avoir vu, et j’espérais que ce serait un guerrier aussi brave qu’il est habile à tuer le daim. Au surplus, tous les hommes ne se ressemblent pas, et il faut du temps, comme je le sais par expérience, pour rendre le cœur véritablement propre à la solitude des forêts.

— Ai-je un cœur de cette espèce, mon père ? Et Hurry, son cœur est-il propre à la solitude des forêts ?

— Vous faites quelquefois d’étranges questions, Hetty : votre cœur est bon, et il est plus propre aux établissements qu’aux forêts ; mais