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DEERSLAYER

le pays de l’état sauvage. Ainsi ce qui paraît vénérable par une accumulation de changements devient familier à l’esprit quand on vient à le considérer sérieusement sous le seul rapport du temps.

Ce coup d’œil jeté sur la perspective du passé préparera le lecteur à voir les tableaux que nous allons esquisser avec moins de surprise qu’il n’en pourrait éprouver sans cela, et quelques explications additionnelles le reporteront en imagination à l’état exact de société que nous désirons mettre sous ses yeux. C’est un fait historique que les établissements sur les rives orientales de l’Hudson, comme Claverack, Kinderbook, et même Poughkeepsie, n’étaient pas regardés comme à l’abri des incursions des Indiens il y a un siècle, et il se trouve encore sur les bords du même fleuve, et à une portée de fusil des quais d’Albany, une habitation appartenant à une branche cadette des Van Rensselaers, ayant des meurtrières qui ont été percées pour la défendre contre ces ennemis astucieux, quoiqu’elle n’ait été construite qu’à une époque encore moins éloignée. On trouve d’autres souvenirs semblables de l’enfance du pays, dispersés dans ce qu’on regarde aujourd’hui comme le centre de la civilisation américaine, offrant les preuves les plus claires que tout ce que nous possédons de sécurité contre l’invasion et la violence est presque l’ouvrage de l’espace de temps qui est assez fréquemment rempli par la vie d’un seul homme.

Les incidents de notre histoire se sont passés entre les années 1740 et 1745, quand les portions habitées de la colonie de New-York se bornaient aux quatre comtés baignés par l’Atlantique, à une étroite ceinture de territoire de chaque côté de l’Hudson s’étendant depuis son embouchure jusqu’aux cataractes voisines de sa source, et à quelques établissements avancés sur les bords du Mohawk et du Schoharie. De larges ceintures du désert encore vierge non seulement atteignaient les bords de la première rivière, mais la traversaient même, s’étendaient dans la Nouvelle-Angleterre, et offraient le couvert des forêts au moccasin silencieux du guerrier sauvage, dont le pied marchait sans bruit sur le sentier sanglant de la guerre. Une vue à vol d’oiseau de toute la région à l’est du Mississipi, ne devait offrir alors qu’une vaste étendue de bois, bordés d’une frange étroite de terre cultivée sur les bords de la mer, et coupés par la surface brillante de différents lacs et par les lignes fantastiques de quelques rivières. Près de ce vaste tableau de solitude solennelle, le district que nous avons dessein de décrire ne forme qu’un point ; mais nous puisons quelque encouragement dans la conviction qu’à l’aide de quelques distinctions légères et peu