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DEERSLAYER

l’enlevant en l’air et le précipitant par terre. La fuite et la poursuite recommencèrent, et alors il vit un homme descendre la montagne et avancer dans l’eau à quelques toises. En ce moment critique, la pirogue était assez près de cet endroit pour permettre à Deerslayer de voir ce mouvement, qui ne fit pas peu de bruit, sans être vu lui-même ; et sentant que c’était en ce moment ou jamais qu’il devait chercher à prendre ses compagnons sur sa pirogue, il gouverna de manière à aller à leur secours. Mais il n’avait pas levé deux fois ses rames, quand il entendit la voix de Hurry remplir l’air d’imprécations, tandis qu’il se roulait sur le rivage, littéralement chargé d’ennemis. Tandis qu’il était presque étouffé sous le poids de ses adversaires, 11 fit entendre son cri du loon d’une manière qui, dans des circonstances moins terribles, aurait paru risible. À ce son, l’homme qui était dans l’eau parut tout à coup se repentir de sa fuite, et retourna vers le rivage pour aller au secours de son compagnon ; mais, à l’instant où il touchait la terre, cinq ou six autres sauvages qui arrivaient au même moment, se jetèrent sur lui, le terrassèrent et s’en rendirent maîtres.

— Laissez-moi me relever, reptiles peints, s’écria Hurry ; n’est ce pas assez de m’avoir lié comme vous l’avez fait ? faut-il encore que vous m’étouffiez ?

Ce discours convainquit Deerslayer que ses amis étaient prisonniers, et qu’il ne pouvait avancer sur le rivage que pour partager leur destin ; il n’était plus alors qu’à environ cent pieds de la terre, mais quelques coups de rames données à propos le mirent bientôt à cinq ou six fois cette distance. Heureusement pour lui tous les Indiens avaient jeté leurs mousquets pour pouvoir plus aisément poursuivre les fuyards, sans quoi il aurait pu recevoir quelque balle avant d’être hors de portée, quoique sa pirogue n’eût pas été aperçue dans le premier moment de confusion.

— Prenez le large, mon garçon, s’écria Hutter ; mes filles n’ont plus que vous pour appui à présent, et vous aurez besoin de toute votre prudence pour échapper à ces sauvages. — Éloignez-vous de la terre, et que Dieu vous protège comme vous protégerez mes filles !

Il n’y avait pas en général beaucoup de sympathie entre Hutter et Deerslayer ; mais l’angoisse d’esprit et de corps qui accompagnait ces paroles fit oublier en ce moment à celui-ci tous les défauts du premier. Il ne vit en lui que le père souffrant, et il résolut de lui promettre d’être fidèle à ses intérêts et de tenir sa parole.

— Soyez tranquille, maître Hutter, s’écria-t-il, j’aurai soin