Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fit promptement tomber dans un petit sac de cuir malgré les protestations de la femme de charge, qui déclara que ses gages lui étaient dus, et que dix de ces guinées lui appartenaient de droit.

Enchantés d’une prise qui dépassait de beaucoup leur attente, les bandits se préparèrent à partir et à emmener avec eux le colporteur, dans le dessein de le livrer au premier corps américain, et de réclamer la récompense qui avait été promise pour son arrestation. Birch refusant opiniâtrement de marcher, ils allaient l’emporter de vive force, quand on vit entrer dans la chambre une espèce de fantôme qui glaça d’effroi tous les spectateurs. Son corps était entouré d’un drap du lit dont il venait de se lever, et son œil fixe, sa figure livide, lui donnaient l’air d’un être appartenant à un autre monde. Katy et César crurent eux-mêmes que c’était l’esprit du vieux Birch, et ils s’enfuirent précipitamment de la maison, suivis de toute la bande des Skinners non moins alarmés.

Les forces qu’une vive émotion avait rendues au moribond disparurent aussi promptement, et son fils le prenant dans ses bras, le porta sur son lit. La fin de cette scène ne pouvait tarder.

L’œil à demi éteint du père était fixé sur le fils ; ses lèvres remuaient, mais sa voix ne pouvait se faire entendre. Harvey se courba sur lui, et reçut en même temps la bénédiction et le dernier soupir de son père.

Des privations, des soucis, des injustices remplirent une grande partie du reste de la vie d’Harvey Birch. Mais ni les souffrances, ni les malheurs, ni les calomnies, n’effacèrent jamais de son esprit le souvenir de l’instant où il avait reçu la dernière bénédiction de son père. Il y puisait une consolation du passé, un adoucissement au présent, des espérances pour l’avenir. Il savait qu’un esprit bienheureux priait pour lui au pied du trône de la Divinité, et l’assurance qu’il avait fidèlement rempli tous les devoirs de la pitié filiale lui donnait de la confiance en la miséricorde céleste.

La fuite de César et de Katy avait été trop précipitée pour qu’ils pussent y mettre beaucoup de calcul. Cependant ils avaient pris par instinct un autre chemin que les brigands. Après avoir couru quelques minutes, ils s’arrêtèrent de lassitude.

— Ah ! César, s’écria Katy d’un ton solennel, voir un mort revenir ainsi, avant même qu’il ait été mis dans le tombeau ! il faut que ce soit l’argent qui l’ait troublé. On dit que l’esprit du capi-