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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/16

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dans ce voisinage immédiat il ne jugeait ni prudent ni politique de se fier à eux.

Après que les Anglais se furent emparés de l’île de New-York, le comté de West-Chester était devenu une sorte de champ-clos dans lequel les deux partis se livrèrent plusieurs combats pendant le reste de la guerre de la révolution. Une grande partie des habitants, dominés par la crainte ou par un reste d’attachement pour la mère-patrie, affichaient une neutralité qui n’était pas toujours dans leur cœur. Les villes les plus voisines de la mer étaient, comme on peut bien le penser, plus particulièrement sous l’autorité de la couronne, tandis que celles de l’intérieur, enhardies par le voisinage des troupes continentales, laissaient percer leurs opinions révolutionnaires et le droit qu’elles avaient de se gouverner elles-mêmes. Cependant bien des gens portaient un masque que le temps n’a pas même encore fait tomber : tel individu est descendu dans le tombeau accusé par ses concitoyens d’avoir été l’ennemi de leur liberté, tandis qu’il avait été en secret un des agents les plus utiles des chefs de la révolution et d’une autre part, si l’on faisait une perquisition bien exacte chez tel patriote qui semblait soutenir les droits de son pays avec le zèle le plus ardent, on y trouverait une sauvegarde royale cachée sous un monceau de guinées anglaises.

Au bruit de la marche du noble coursier que montait le voyageur, la maîtresse de la ferme devant laquelle il passait alors ouvrit avec précaution la porte de sa demeure pour regarder cet étranger, et peut-être détournait-elle la tête pour communiquer le résultat de ses observations à son mari qui, placé dans la partie de derrière du bâtiment, se disposait à chercher, si le cas l’exigeait, l’endroit où il se cachait ordinairement dans les bois voisins. La vallée était située vers le milieu de la longueur du comté, et était assez proche des deux armées pour que la restitution de ce qui avait été volé ne fût pas un événement rare dans ces environs. Il est vrai qu’on ne retrouvait pas toujours les mêmes objets, mais à défaut de justice légale, on avait recours en général à une substitution sommaire, qui rendait le montant de ses pertes à celui qui les avait éprouvées, avec une assez bonne addition pour l’indemniser de l’usage temporaire qu’on avait eu de ce qui lui appartenait.

Le passage d’un étranger dont l’apparence avait quelque chose d’équivoque, et monté sur un coursier qui, quoique ses harnais