les murs de cette église une inscription en lettres dorées et gravées sur le marbre, rappelant les vertus de ses ancêtres dont les restes reposaient avec toute la dignité convenable sous de grandes pierres en marbre dans une des ailes. Le capitaine Lawton fit un mouvement comme pour suivre le cortège à l’instant où il quitta la grande route près du champ qui servait à de plus humbles sépultures. Mais il fut tiré de sa distraction par l’observation que lui fit son compagnon qu’il se trompait de sentier.
— De toutes les méthodes que l’homme a adoptées pour disposer de ses dépouilles mortelles, laquelle préférez-vous, capitaine Lawton ? lui demanda gravement le docteur quand ils se furent séparés du cortège. En certains pays on laisse le corps sur la terre exposé à être dévoré par les animaux sauvages ; en d’autres on le suspend en l’air pour qu’il y exhale sa substance en forme de décomposition ; ici on le consume sur un bûcher ; là on l’inhume dans les entrailles de la terre. Chaque peuple a son usage à cet égard. Auquel donnez-vous la préférence ?
— Tous sont fort agréables sans doute, répondit le capitaine sans accorder une grande attention à la harangue de son compagnon, et suivant encore des yeux la marche du convoi ; mais vous-même qu’en pensez-vous ?
— Le dernier mode, celui que nous avons adopté, est sans contredit le plus sage, répondit le docteur sans hésiter, car les trois autres ne laissent aucune ressource pour la dissection ; au lieu que, tandis que le cercueil reste décemment et paisiblement dans le sein de la terre, on peut en tirer le corps pour le faire servir à propager d’une manière utile les lumières de la science. Ah ! capitaine Lawton, je ne jouis que bien rarement de ce plaisir en comparaison de ce que j’espérais en entrant dans l’armée.
— Et ce plaisir, combien de fois à peu près le goûtez-vous par an ? demanda Lawton d’un ton sec en cessant de porter ses regards du côté du cimetière.
— Douze fois tout au plus, répondit Sitgreaves en soupirant ; ma meilleure récolte est quand la troupe marche en détachement, car lorsque le corps d’armée donne, il y a tant de jeunes gens à satisfaire qu’il est bien rare que je puisse me procurer un sujet, un bon sujet. Ce sont des vampires ; ils sont affamés de cadavres comme des vautours.
— Douze fois ! répéta le capitaine d’un ton de surprise. Quoi ! moi seul je vous en fournis davantage.