Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/24

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jetait un regard inquiet sur Harper, dont les yeux étaient toujours fixés sur lui avec une attention marquée. Enfin, versant un verre de vin et faisant un signe de tête à celui qui semblait occupé à l’examiner, il lui dit avec un sourire qui n’était pas sans amertume : — Je bois à une plus ample connaissance, Monsieur.

La qualité du vin semblait être de son goût, car en remettant son verre sur la table, ses lèvres firent entendre un bruit qui retentit dans toute la chambre et prenant la bouteille, il la tint un instant entre lui et la lumière, contemplant en silence la liqueur claire et brillante qu’elle contenait.

— Je crois que nous ne nous sommes jamais vus, Monsieur, dit-il avec un léger sourire, tout en observant les mouvements du nouveau venu.

— Cela est vraisemblable, Monsieur, répondit Harper. Et se trouvant sans doute satisfait de son examen il se tourna vers Sara Wharton près de laquelle il était assis, et lui dit avec beaucoup de douceur.

— Après avoir été accoutumée aux plaisirs de la ville, vous devez sans doute trouver votre résidence actuelle bien solitaire !

— On ne peut davantage. Je désire bien vivement, ainsi que mon père, que cette cruelle guerre se termine, afin que nous puissions rejoindre nos amis.

— Et vous, miss Frances, désirez-vous la paix aussi ardemment que votre sœur ?

— Bien certainement, et pour beaucoup de raisons, répondit-elle en jetant un coup d’œil timide sur celui qui l’interrogeait et puisant un nouveau courage dans l’expression de bonté qu’elle vit sur sa physionomie, elle ajouta avec un sourire animé, plein d’intelligence et d’amabilité : — Mais je ne la désire pas aux dépens des droits de mes concitoyens.

— Des droits ! répéta sa sœur avec un ton d’impatience ; quels droits peuvent être plus forts que ceux d’un souverain ? quel devoir peut être plus puissant que celui d’obéir à ceux qui ont le droit naturel de commander ?

— Sans doute, sans doute, dit Frances en lui prenant la main d’un air enjoué se tournant ensuite vers Harper : — Je vous ai dit, Monsieur, ajouta-t-elle en souriant, que ma sœur et moi nous ne sommes pas toujours d’accord dans nos opinions politiques mais nous avons un arbitre impartial dans mon père, qui aime les An-