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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/248

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mariage de l’aînée de ses nièces avec le colonel Wellmere. Ils la saluèrent en apprenant ainsi ce qu’ils avaient déjà deviné, et la bonne dame, par égard pour les convenances, ajouta que les futurs époux se connaissaient depuis longtemps, et que leur attachement réciproque n’était pas de fraîche date. Lawton la salua une seconde fois en silence ; mais le docteur, qui aimait à converser avec la tante, lui répondit :

— Le cœur humain, Madame, n’est pas constitué de la même manière dans tous les individus. Dans quelques-uns, les impressions sont vives et passagères ; dans d’autres, elles sont profondes et durables. Certains philosophes croient trouver une connexion entre les pouvoirs physiques et les facultés morales de l’animal ; quant à moi, je crois que les uns sont le résultat de l’habitude et de l’éducation, et que les autres sont assujetties aux lois et aux lumières de la science.

Miss Peyton le salua à son tour en silence, et se retira pour aller chercher sa nièce, l’heure approchant où, d’après les usages américains, la cérémonie nuptiale devait avoir lieu. Sara, couverte d’une rougeur modeste, ne tarda pas à entrer dans le salon avec sa tante, et Wellmere, s’avançant vers elle avec empressement, saisit une main qu’elle lui présenta en baissant les yeux, et pour la première fois le colonel anglais parut songer au rôle important qu’il avait à jouer dans la cérémonie. Jusqu’alors il avait paru distrait, et ses manières avaient eu quelque chose de gêné mais tous ces symptômes disparurent quand il vit arriver sa maîtresse dans tout l’éclat de sa beauté, et il ne lui resta que la certitude de son bonheur. Chacun se leva, et le révérend aumônier ouvrait déjà le livre qu’il tenait en main, quand on s’aperçut que Frances était absente. Miss Peyton sortit une seconde fois pour aller la chercher, et elle la trouva dans sa chambre, seule et les yeux baignés de larmes.

— Allons, ma chère nièce, lui dit sa tante en lui prenant le bras avec affection, venez ; on n’attend plus que nous pour la cérémonie. Tâchez de vous calmer afin de faire honneur, comme cela convient, au choix de votre sœur.

— Mais est-il digne d’elle ? est-il possible qu’il en soit digne ? s’écria Frances, cédant à son émotion et se jetant dans les bras de sa tante.

— Cela peut-il être autrement ? répondit miss Peyton. N’est-ce pas un homme bien né, un brave militaire, quoiqu’il ait éprouvé