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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/258

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nuit. Écoutez comme le vent siffle à travers les arbres : on croirait entendre hurler de malins esprits.

— Moi le voir ! s’écria César en ouvrant les yeux d’une largeur capable d’embrasser plus que des objets imaginaires.

— Qui ? demanda Hollister en portant par instinct la main sur la poignée de son sabre.

— Moi voir John Birch sortir de sa fosse, dit le nègre ; John Birch s’être montré sur ses jambes avant d’avoir été enterré.

— En ce cas, il faut qu’il ait mené une mauvaise vie, dit Hollister. Les esprits bienheureux restent en repos jusqu’à la revue générale du dernier jour ; mais l’âme coupable est tourmentée en ce monde comme elle le sera dans l’autre.

— Et que deviendra le capitaine Jack ? s’écria Betty en colère. Est-ce que vous ne songez ni à vos ordres ni à l’avis qui vous a été donné ? Je vais faire atteler ma charrette, j’irai le trouver et je lui dirai qu’il n’a pas de secours à attendre de vous parce que vous avez peur du diable et d’un homme mort. Nous verrons demain qui sera son sergent d’ordonnance. À coup sûr il ne se nommera pas Hollister.

— Allons, allons, dit le sergent en lui appuyant la main sur l’épaule, s’il faut qu’on marche cette nuit, que ce soit celui dont le devoir est d’appeler les soldats aux armes qui leur montre l’exemple. Puisse le Seigneur avoir pitié de nous, et ne nous envoyer que des ennemis de chair et de sang !

Un autre verre que lui versa la vivandière confirma le vétéran dans une résolution qu’il n’avait prise que par crainte du mécontentement du capitaine, et il alla donner les ordres nécessaires aux douze dragons dont il était alors l’officier commandant. Le jeune mulâtre étant revenu avec la bague, César la mit dans la poche de son gilet la plus voisine de son cœur, monta à cheval, ferma les yeux, s’accrocha à la crinière de son coursier, et resta dans une espèce de stupeur jusqu’à ce que l’animal se fût arrêté à la porte de l’écurie d’où il était parti.

Les mouvements des dragons se faisant avec toute la régularité d’une marche furent beaucoup plus lents, et le sergent les fit avancer avec des précautions qui avaient pour but de se mettre en garde contre toute surprise de la part du malin esprit.