Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/28

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le rappela en Amérique, et le mit en possession d’un nom honorable et d’une belle fortune.

C’était la mode alors de placer les jeunes gens de certaines familles dans l’armée ou dans la marine d’Angleterre, pour assurer leur avancement. La plupart des premières places dans les colonies étaient remplies par des hommes qui avaient suivi la profession des armes, et il n’était pas rare de voir un vétéran quitter l’épée pour prendre l’hermine, et occuper le rang le plus élevé dans la hiérarchie judiciaire.

D’après ce système, M. Wharton avait destiné son fils à l’état militaire ; mais la faiblesse de caractère de celui-ci avait mis obstacle à l’accomplissement de ce projet.

Ce jeune homme avait passé une année à calculer les avantages que lui offraient les différents corps de troupes dans lesquels il pouvait servir, quand la mort de son père arriva. L’aisance de sa situation, et les égards témoignés à un jeune homme qui jouissait d’une des plus belles fortunes des colonies, lui firent faire de sérieuses réflexions sur ses projets ambitieux. — L’amour décida l’affaire, et M. Wharton, en devenant époux, cessa de songer à se faire soldat. Pendant plusieurs années, il jouit d’un bonheur parfait dans le sein de sa famille, et respecté de ses concitoyens comme un homme important et plein d’intégrité. Mais toutes ses jouissances lui furent enlevées en quelque sorte d’un seul coup. Son fils unique, le jeune homme qui a paru dans le chapitre précédent, avait pris du service dans l’armée anglaise, et était revenu dans son pays natal peu de temps avant le commencement des hostilités, avec les renforts que le ministère avait jugé prudent d’envoyer dans les parties de l’Amérique septentrionale où régnait le mécontentement. Ses filles étaient arrivées à un âge où leur éducation exigeait tous les secours que peut procurer une ville. Sa femme était depuis plusieurs années d’une santé chancelante ; à peine avait-elle eu le temps de serrer son fils dans ses bras et de goûter le plaisir de voir toute sa famille réunie, que la révolution éclata, et produisit un incendie qui s’étendit depuis la Géorgie jusqu’au Maine. Elle vit son fils obligé d’aller rejoindre ses drapeaux pour combattre contre des membres de sa propre famille, dans les États du sud ; ce coup fut trop douloureux pour que sa faible constitution pût y résister, et elle y succomba.

Dans aucune partie du continent américain les mœurs anglaises