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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/294

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sur son cœur, ses doigts se relâchèrent, et elle expira avec une légère convulsion.

Frances Wharton avait cru que le destin, après avoir mis en danger la vie de son frère et égaré la raison de sa sœur, ne pouvait lui réserver de nouveaux chagrins ; mais le soulagement que lui fit éprouver la déclaration d’Isabelle mourante lui apprit qu’une autre cause avait contribué à plonger son cœur dans l’affliction. Elle reconnut toute la vérité sur-le-champ ; elle apprécia la délicatesse qui avait empêché Dunwodie de mieux s’expliquer. Tout tendait à augmenter l’estime qu’il lui inspirait ; elle regretta que son devoir et sa fierté l’eussent portée à concevoir de lui une opinion moins avantageuse, et se reprocha de l’avoir éloigné d’elle en proie au chagrin, sinon au désespoir. Cependant il n’est pas dans la nature que la jeunesse se livre à une affliction excessive, et Frances, au milieu de tous ses chagrins, éprouvait une joie secrète qui donna un nouveau ressort à tout son être.

Le lendemain de cette nuit de désolation, le soleil se leva avec un éclat qui semblait se jouer des chagrins de ceux qu’éclairaient ses premiers rayons. Lawton avait ordonné que Roanoke lui fût amené à la pointe du jour, et il était prêt à monter à cheval quand la lumière de cet astre naissant commença à dorer la cime des montagnes. Ses ordres étaient déjà donnés, et le capitaine se mit en selle en silence. Jetant un regard de regret et de courroux sur le court espace de terrain qui avait favorisé la fuite du Skinner, il lâcha la bride à Roanoke et partit vers la vallée.

Le silence de la mort régnait sur sa route, et pas le moindre vestige des scènes terribles de la nuit précédente ne ternissait la pureté de cette belle matinée. Frappé du contraste qu’offraient l’homme et la nature, l’intrépide dragon traversa tous les défilés dangereux sans penser une seule fois aux périls qu’il pouvait y rencontrer ; et il ne fut distrait des réflexions auxquelles il s’abandonnait que lorsque son noble coursier se mit à hennir pour saluer ses compagnons attachés au piquet près de leurs maîtres, les quatre dragons restés avec Hollister.

Là, l’œil apercevait de toutes parts les tristes preuves des malheurs dont ce lieu avait été le théâtre quelques heures auparavant. Lawton y jeta un coup d’œil avec le sang-froid d’un vétéran, s’avança vers le poste qu’avait choisi le prudent Hollister, fit arrêter son cheval, et répondit par une légère inclination de tête au salut respectueux du sergent.