Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/312

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muscles de son visage en mouvement avaient une agitation étrangère à son âge et à sa profession. C’était le colonel Singleton. Il n’avait appris que la veille la mort de sa fille ; mais sa fierté militaire n’avait pas cru que cette circonstance pût le dispenser de s’acquitter d’un devoir que sa patrie lui imposait. Enfin il fut frappé du silence général, et de l’attente qu’il voyait dans tous les yeux, et faisant un effort pour se recueillir, il dit, avec le ton d’un homme habitué au commandement :

— Faites avancer le prisonnier.

Les sentinelles baissèrent la pointe de leurs baïonnettes devant les juges, et Henry Wharton s’avança d’un pas ferme au centre de l’appartement. La curiosité générale et l’intérêt de tous les spectateurs étaient alors à leur comble, et Frances se retourna un instant avec une émotion de reconnaissance en entendant derrière elle le bruit de la respiration pénible et troublée de Dunwoodie. Mais toutes ses pensées, toutes ses sensations se concentrèrent bientôt sur son frère. Au bout de la salle étaient rangés tous les habitants de la ferme où se tenait la cour martiale, et derrière eux on voyait une ligne de visages d’ébène, parmi lesquels figurait celui de César Thompson.

— On dit, continua le président, que vous vous nommez Henry Wharton, et que vous êtes capitaine dans le 60e régiment d’infanterie de Sa Majesté Britannique.

— Le fait est vrai, répondit Henry.

— J’aime votre candeur, Monsieur, elle annonce les sentiments honorables d’un soldat, et ne peut manquer de produire une impression favorable sur vos juges.

— Il serait à propos, dit un des autres juges, d’avertir le prisonnier qu’il n’est tenu de répondre aux questions qui lui seront faites qu’autant qu’il jugera que ses réponses ne peuvent fournir des armes contre lui. Quoique nous soyons une cour martiale, nous reconnaissons les principes professés à cet égard par tous les gouvernements libres.

L’autre juge fit un signe d’approbation, et le président, ayant donné l’avertissement convenable au prisonnier, prit les papiers qui étaient devant lui.

— Vous êtes accusé, dit-il, d’avoir, étant officier au service de l’ennemi, passé, le 29 octobre dernier, les piquets de l’armée américaine dans les Plaines-Blanches sous un déguisement, ce qui vous rend suspect de vues hostiles aux intérêts de l’Amé-