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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/324

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— Où dites-vous que l’exprès les a laissés ? cela m’est entièrement sorti de la mémoire.

— Sur les hauteurs au-dessus de Sing-Sing, répondit le lieutenant fort étonné. Toute la route en deçà est comme un marché à foin, et tous les troupeaux de porcs soupirent et se lamentent en voyant des voitures de grains passer devant eux pour se rendre à Kingsbridge. Le sergent d’ordonnance de George Singleton qui a apporté cette nouvelle dit que nos chevaux sont à délibérer s’ils ne partiront pas sans leurs cavaliers, pour tâcher de faire encore un bon repas, car ils ne savent trop quand ils pourront se remplir l’estomac. Si nous souffrons que ces Anglais emportent leur proie, nous ne serons pas en état de trouver à Noël un morceau de lard assez gras pour pouvoir se frire lui-même.

— Faites-moi grâce de toutes les fadaises du sergent de Singleton, monsieur Mason, s’écria Dunwoodie avec impatience ; qu’il apprenne à attendre les ordres de ses chefs.

— Je vous demande pardon en son nom, major Dunwoodie, mais il était dans l’erreur ainsi que moi. Nous pensions tous deux que les ordres du général Heath étaient d’attaquer et de harceler l’ennemi toutes les fois qu’il oserait se montrer hors de son nid.

— Ne vous oubliez pas, lieutenant Mason, dit le major d’un ton sévère, ou je pourrais avoir à vous apprendre que c’est de moi que vous avez à recevoir des ordres.

— Je le sais, major Dunwoodie, je le sais, répondit Mason en le regardant avec un air de reproche, et je suis fâché que vous ayez assez mauvaise mémoire pour avoir oublié que jamais je n’ai hésité à y obéir.

— Pardon, Mason, s’écria Dunwoodie en lui prenant les deux mains ; je vous connais comme un officier aussi obéissant que brave. Oubliez cet instant d’humeur. C’est cette malheureuse affaire. Avez-vous jamais eu un ami ?

— Allons, allons, major, pardonnez-moi et excusez mon zèle. Je connaissais les ordres, et je craignais que quelque blâme pût retomber sur mon commandant. Restons. Qu’on ose prononcer un seul mot contre le corps, et chaque sabre sortira de lui-même de son fourreau. D’ailleurs ces Anglais marchent encore en avant, et il y a loin de Creton à Kingsbridge. Quoi qu’il puisse arriver, je vois clairement que nous aurons encore le temps de leur tailler des croupières avant qu’ils aient regagné leur gîte.

— Oh ! que ce courrier n’est-il revenu du quartier-général !