Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/337

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demande, il y consentit sans difficulté, et en conséquence elle alla chercher le ministre.

Le personnage qui fut alors introduit dans la chambre précédé par César, dont la figure avait une gravité imposante, et suivi par la matrone, laquelle paraissait prendre un vif intérêt à cette entrevue, avait passé le moyen âge de la vie. Il était d’une taille plus qu’ordinaire, quoique son excessive maigreur pût contribuer à le faire paraître plus grand qu’il ne l’était. Sa physionomie dure et sévère semblait impassible, et aucun de ses muscles ne paraissait doué de mouvement. Le plaisir et la joie paraissaient avoir toujours été étrangers à ses traits austères, et qui n’annonçaient que la haine des vices du genre humain. De gros sourcils noirs devaient ajouter à l’expression déjà dure de ses yeux ; mais ses yeux étaient couverts par d’énormes lunettes vertes, à travers lesquelles perçait l’air de la menace plutôt que de cette encourageante bonté qui, formant l’essence de notre sainte religion, devrait en caractériser les ministres. Rien en lui ne parlait de charité, mais tout annonçait l’enthousiasme et le fanatisme. De longues mèches de cheveux plats, noirs, mais commençant à grisonner, se séparaient sur son front, et retombaient sur son cou en couvrant une partie de ses joues. Cette coiffure, à laquelle les grâces n’avaient pas présidé, était surmontée d’un énorme chapeau à larges cornes, formant un triangle équilatéral, et enfoncé sur sa tête. Il portait un habit complet d’un drap noir auquel le temps avait donné une couleur de rouille, et des bas de laine assortis à ce costume ; ses souliers n’étaient pas cirés, et ils étaient à demi cachés sous de grandes boucles de cuivre argenté.

Il s’avança dans la chambre avec un air de dignité, fit une inclination de tête d’un air raide, s’assit sur la chaise que César lui présenta et y resta en silence. Plusieurs minutes se passèrent sans que personne parût disposé à le rompre, Henry éprouvant pour le révérend une répugnance qu’il tâchait inutilement de surmonter, et celui-ci se bornant à faire entendre de temps en temps des soupirs et des gémissements qui semblaient menacer de dissoudre l’union de son âme divine avec l’argile terrestre et grossière qu’elle habitait. Pendant cette scène, qui était bien véritablement une préparation à la mort, M. Wharton, par suite d’un sentiment à peu près semblable à celui de son fils, sortit de la chambre, et emmena Sara avec lui. Le révérend le vit partir avec un air de dédain méprisant, et commença à fredonner l’air