Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/344

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Tout était prêt, il ne restait plus qu’à agir ; mais auparavant le prudent colporteur répéta encore toutes ses instructions aux deux acteurs de cette scène. Il recommanda au capitaine de déguiser sa tournure militaire, de voûter sa taille droite et d’imiter de son mieux l’humble démarche du serviteur de son père ; enfin il enjoignit de nouveau à César la discrétion et surtout le silence. Tous ces préparatifs étant terminés, il ouvrit la porte et appela à haute voix le factionnaire, qui s’était retiré à l’autre bout de la chambre dans laquelle il montait sa garde, pour ne dérober aucune partie des consolations spirituelles qu’il sentait appartenir à un autre.

— Appelez la maîtresse de la maison, dit Harvey du ton solennel qui convenait à son air emprunté, et qu’elle vienne seule. Le prisonnier est occupé de pieuses méditations, et il ne faut pas l’en distraire.

César baissa la tête et appuya son front sur ses deux mains, qui était couvertes par des gants, et quand le soldat jeta un coup d’œil dans l’appartement, il crut voir son prisonnier livré à de profondes réflexions. Jetant un regard de mépris sur le ministre, il appela à haute voix la bonne fermière que son zèle religieux fit accourir sur-le-champ, dans l’espoir qu’elle allait être admise à entendre les expressions du repentir d’un pécheur prêt à expirer.

— Ma sœur, dit Harvey en prenant le ton d’autorité d’un maître, avez-vous ici un livre intitulé : Les derniers moments du criminel chrétien, ou Pensées sur l’éternité, à l’usage de ceux qui doivent mourir de mort violente ?

— Je n’ai jamais entendu parler de ce livre, dit la matrone avec surprise.

— Cela est assez probable, il y en a beaucoup d’autres qui ne vous sont pas plus connus. Il est impossible que ce pauvre pénitent meure en paix sans les consolations qu’il puisera dans ce livre. Une heure de cette lecture vaut les sermons de toute la vie d’un homme.

— Quel trésor ! et où a-t-il été imprimé ?

— Il a été composé en grec à Genève, et traduit et imprimé à Boston. C’est un livre, femme, qui devrait être entre les mains de tout chrétien, et particulièrement de ceux qui doivent mourir sur l’échafaud. Faites seller à l’instant un cheval pour ce nègre ; il m’accompagnera chez mon frère le ministre de —, et le prisonnier recevra cet ouvrage encore à temps. Mon frère, que le calme rentre