Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/379

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— Je vous répète que Henry est en sûreté. La parole que lui a donnée Harper est sa garantie. Mais je ferai voir au monde, dit le jeune officier se trompant peut-être un peu lui-même, un nouveau mari qui à la force d’arrêter le frère de sa femme.

— Et le monde comprendra-t-il tout cela ? dit Frances avec un air d’indécision qui fit naître mille espérances dans le sein du major. Dans le fait la tentation était forte. Elle ne voyait aucun autre moyen de retenir Dunwoodie jusqu’à ce que l’heure fatale fût écoulée. Ce que lui avait dit Harper tout récemment, qu’il ne pouvait faire ouvertement que bien peu de chose pour Henry, et que tout dépendait du temps, était profondément gravé dans sa mémoire. Peut-être aussi pensait-elle involontairement qu’il était possible qu’une barrière éternelle s’élevât entre elle et son amant, s’il arrêtait son frère et que la sentence fût exécutée. Il est difficile d’analyser toutes les hésitations du cœur de l’homme, encore plus celles du cœur de la femme.

— Pourquoi tarder, chère Frances ? s’écria Dunwoodie qui suivait sur les traits expressifs de sa maîtresse tous les mouvements de son âme ; quelques minutes peuvent me donner les droits d’un époux pour vous protéger.

Frances tremblante jeta un regard inquiet sur la pendule, dont les aiguilles semblaient marcher avec une lenteur inconcevable, comme pour la mettre plus longtemps à la torture.

— Parlez, Frances dit le major. Puis-je appeler notre bonne parente ? Décidez-vous, le temps presse.

Frances s’efforça de lui répondre, mais elle ne put que murmurer quelques sons inarticulés, que son amant, d’après un privilège qui date d’un temps immémorial, interpréta comme un consentement. Il se précipita vers la porte, et il allait sortir quand elle recouvra la parole.

— Arrêtez, Peyton ! lui dit-elle, je ne puis vouloir vous tromper au moment de contracter un engagement si solennel. J’ai vu Henry depuis son évasion ; un temps bien court est tout ce qu’il faut pour sa sûreté. Voici ma main, je vous la donne maintenant volontiers, si vous ne la dédaignez pas.

— La dédaigner ! s’écria Dunwoodie avec transport ; je la reçois comme le plus beau présent du ciel. Il ne faut pas deux heures pour traverser les montagnes, et demain à midi je reviendrai avec la grâce de votre frère, signée par Washington. Henry nous aidera à égayer notre repas de noces.