Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/414

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un léger tremblement dans la voix des nouvelles des armées.

— Nous avons battu l’autre jour les habits rouges au milieu des grandes herbes des plaines de Chippewa, et nous les avons fait courir jusqu’ici en les fouettant comme une toupie, répondit le jeune officier qui se nommait Mason ; depuis ce temps, mon vieux, nous jouons à cache-cache avec eux. Mais à présent nous retournons d’où nous sommes partis, secouant la tête et fiers comme le diable.

— Vous avez peut-être un fils parmi nos soldats, dit son compagnon d’un air plus rassis, et avec un ton de bonté. Si vous voulez me dire quel est son nom et à quel régiment il appartient, je pourrai peut-être vous conduire vers lui.

Le vieillard secoua la tête, et passant la main sur ses cheveux blancs, il leva un moment les yeux vers le ciel avec un air de résignation, et répondit avec douceur :

— Non, je suis seul dans le monde.

— Capitaine Dunwoodie, s’écria Mason avec une gaieté insouciante, vous auriez dû ajouter si vous pouvez le trouver ; car plus de la moitié de notre armée est en marche, et est peut-être déjà sous les murs du fort George, autant qu’on peut le croire.

Le vieillard s’arrêta tout à coup, et regarda alternativement et avec attention les deux jeunes officiers. Ceux-ci s’en étant aperçus, s’arrêtèrent également.

— Ai-je bien entendu ? dit enfin le vieillard en levant la main pour mettre ses yeux à l’abri des rayons du soleil couchant. Comment vous a-t-il nommé ?

— Je me nomme Wharton Dunwoodie, répondit le jeune officier en souriant.

Le vieillard fit un geste comme pour le prier d’ôter son chapeau ; le jeune homme y consentit, et ses cheveux blonds et fins comme la soie, flottant au gré du vent, exposèrent toute sa physionomie aux regards curieux et attentifs de l’étranger.

— C’est comme notre pays natal ! s’écria le vieillard avec une vivacité qui surprit les deux amis ; tout y marche en s’améliorant avec le temps. Dieu les a bénis tous deux.

— Pourquoi ouvrez-vous ainsi de grands yeux, lieutenant Mason ? demanda le capitaine Dunwoodie en riant et en rougissant un peu. Vous avez l’air plus étonné que vous ne l’avez été en apercevant la cataracte.

— Oh ! la cataracte, c’est un spectacle qu’aimeraient à voir au clair de lune votre tante Sara et ce joyeux vieux garçon le colonel