Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/6

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durant les jours les plus sombres de la révolution américaine, fut aussi remarquable par la qualité dont nous venons de parler que par les hautes fonctions qu’il remplit à cette période mémorable. La conversation tomba sur les effets que de grandes sollicitudes politiques produisent sur le caractère, et la bienfaisante influence de l’amour de la patrie, lorsque ce sentiment est puissamment réveillé chez un peuple. Celui que son âge, ses services, et sa connaissance des hommes rendaient le plus capable de soutenir un tel entretien, y prit aussi la part la plus active. Après s’être arrêté sur le changement frappant opéré pendant la lutte nationale durant la guerre de 1776, qui donna une nouvelle et honorable direction aux pensées et aux occupations d’une multitude dont le temps avait été jusqu’alors consacré aux soins les plus vulgaires de la vie, il développa son opinion en racontant une anecdote qu’il pouvait attester comme auteur et témoin.

Quoique le dissentiment entre l’Angleterre et les États-Unis d’Amérique ne fût pas précisément une querelle de famille, il offrait plus d’un rapport avec les guerres civiles. Si le peuple de cette dernière contrée n’était pas constitutionnellement soumis à ceux de la première, les habitants des deux pays devaient obéissance au même roi. Comme les Américains se refusaient à être plus longtemps des sujets fidèles, et que les Anglais voulurent soutenir leur souverain dans ses efforts pour ressaisir l’autorité qui lui échappait, plusieurs des sentiments qu’excite une lutte intestine se trouvèrent éveillés par ce conflit. Une grande partie des émigrés européens établis dans les colonies se rangea du côté du trône. Il y avait plusieurs districts dans lesquels leur influence, jointe à celle des Américains qui refusaient de se soulever, donnait une prépondérance positive à la cause royale. L’Amérique était alors trop jeune, elle avait trop besoin de tous les cœurs et de tous les bras pour regarder avec indifférence ces divisions partielles, quelque petites qu’elles fussent en rapport de la somme totale. Le mal s’accrut beaucoup par l’activité des Anglais à profiter de ces dissensions intérieures ; il devint doublement sérieux par le projet de lever des corps de troupes provinciales qu’on devait incorporer avec celles d’Europe pour soumettre