Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/13

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dans sa profession jusqu’à devenir juge, avec le titre de baron de Wychecombe. Il avait eu de sa femme de charge trois fils naturels, et il était mort, laissant à l’aîné tout ce qu’il avait gagné dans sa profession, après avoir acheté pour les deux autres des commissions dans l’armée. Le second s’était cassé le cou en chassant le renard, tandis qu’il n’était encore que desservant d’une paroisse. Il était mort garçon, et, autant qu’on pouvait le savoir, sans enfants. C’était le frère favori de sir Wycherly, qui avait coutume de dire — qu’il était mort en donnant à ses paroissiens le bon exemple des amusements de la campagne. — Le militaire avait perdu la vie dans une bataille avant d’avoir atteint l’âge de vingt ans. Enfin le marin avait tout à coup disparu de la liste des lieutenants de Sa Majesté, par suite d’un naufrage, près d’un demi-siècle avant le commencement de notre histoire. Il n’avait pourtant jamais régné une grande affection entre le marin et le chef de la famille, à cause, disait-on, de la préférence qu’une certaine beauté accordait au dernier, quoique cette préférence n’eût abouti à rien, puisqu’elle était morte fille. Grégoire Wychecombe, le lieutenant en question, était ce qu’on appelle un jeune homme jetant sa gourme, et quand ses parents l’envoyèrent sur mer, on disait généralement — que l’Océan trouverait à qui parler. — Après la mort du desservant, tout l’espoir de la famille se concentra sur le juge, et tous ceux qui désiraient la voir se perpétuer regrettèrent vivement que le baron ne se mariât pas, puisque la mort prématurée des trois autres frères laissait le domaine et les armoiries sans héritier légal connu en un mot, cette branche de la famille Wychecombe cesserait d’exister la mort de sir Wycherly, et la substitution du domaine tomberait en même temps ; car il ne s’y trouvait ni une femme ni un descendant mâle d’une femme pour prétendre à l’héritage. Il fallait donc que sir Wycherly fît un testament s’il voulait empêcher son domaine d’appartenir Dieu savait à qui, ou, ce qui était encore pire, de tomber en déshérence. Il est vrai que Tom Wychecombe, fils aîné du juge, donnait souvent à entendre qu’un mariage secret avait eu lieu entre son père et sa mère, ce qui aurait rendu un testament inutile, car le domaine était strictement substitué à tous les descendants en ligne directe masculine d’un ancien sir Wycherly ; mais le sir Wycherly actuel avait vu son frère pendant sa dernière maladie, et avait eu avec lui la conversation suivante :

— Eh bien, frère Thomas, dit le baronnet d’un ton amical et consolateur, à présent qu’on peut dire que vous avez préparé votre âme pour le ciel, par la prière et le repentir de vos fautes, nous