Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne parlent qu’à vous, Mildred. Au surplus, comme je déteste toute ambiguïté, je vous dirai que le jeune homme à qui je fais allusion est M. Wychecombe.

M. Wychecombe, amiral Bluewater ! — Et le vétéran sentit le bras appuyé sur le sien trembler violemment, triste confirmation de ses craintes, et qui tendait même à les augmenter, tant ce symptôme avait été soudain. — Sûrement, continua Mildred, l’avis que vous vouliez me donner ne peut ni ne doit s’appliquer à un homme qui a dans le monde le rang et la réputation de M. Wychecombe

— Ainsi va le monde, miss Dutton et nous autres vieux marins, nous finissons par l’apprendre, que nous le voulions ou non. L’intérêt soudain que vous m’avez inspiré, le souvenir de scènes aussi anciennes que pénibles, et les événements de cette journée, m’ont rendu vigilant et vous ajouterez hardi. Mais je suis résolu à parler, même au risque de vous déplaire à jamais, et je ne puis parler que pour vous dire que je n’ai jamais rencontré un jeune homme qui ait fait sur moi une impression aussi défavorable que ce M. Wychecombe.

Mildred retira son bras sans le vouloir et sans y penser, et elle crut avoir à se reprocher quelque légèreté en devenant tout à coup assez familière avec un étranger pour lui permettre de parler ainsi, en sa présence, au désavantage d’un ami déjà ancien.

— Je suis fâchée, Monsieur, que vous ayez conçu une si mauvaise opinion d’un homme qui s’est fait généralement aimer et estimer dans cette partie du pays, répondit-elle avec une froideur très-remarquable.

— Je m’aperçois que je partagerai le sort de tous ceux qui donnent des avis désagréables. Nous sommes dans un moment de crise, Mildred, et j’ignore ce qui peut m’arriver à moi-même d’ici à quelques mois ; mais l’intérêt inexplicable que je prends à votre bonheur est si vif, qu’au risque de vous offenser une seconde fois, je vous répéterai que je n’aime pas ce M. Wychecombe, qui est votre admirateur si dévoué, réel ou affecté. Quant à l’affection et au respect des tenanciers de ce domaine pour celui qui doit en être l’héritier, la chose est si simple qu’elle ne compte pour rien.

— L’héritier de ce domaine ! répéta Mildred d’une voix qui avait repris sa douceur naturelle, et en repassant une main sous le bras qu’elle avait quitté avec si peu de cérémonie. Sûrement, mon cher Monsieur, vous ne parliez pas de M. Thomas Wychecombe, neveu de sir Wycherly ?

— Et de qui vous parlerais-je ? N’a-t-il pas été votre ombre toute