— Il est certainement possible que Vervillin soit sorti du port, dit le vice-amiral dès qu’ils furent arrivés ; mais nous en saurons davantage quand le cutter sera en rade et qu’il nous aura fait son rapport. Je crois que vous m’avez dit que vous n’aviez vu que son numéro ?
— Il faisait des signaux particuliers quand j’ai quitté le promontoire, et je ne pouvais les comprendre sans avoir le livre des signaux.
— Ce Vervillin est un brave, répondit sir Gervais en se frottant les mains, ce qui était sa coutume quand il était satisfait, et il ne manque pas de moyens. Il a treize bâtiments à deux ponts, Dick ; c’en sera un pour chacun de nos capitaines et un de reste pour chacun de nos pavillons carrés. — Je crois qu’il n’y a pas de trois-ponts dans cette escadre ?
— Vous faites ici une petite méprise, sir Gervais, car le comte de Vervillin avait hissé son pavillon à bord du plus grand trois-ponts de la France, le Bourbon, de cent vingt canons. Ses autres bâtiments sont comme les nôtres, quoique leurs équipages soient plus nombreux.
— Ne vous en inquiétez pas, Bluewater ; nous mettrons deux vaisseaux contre le Bourbon et nous tâcherons de rendre nos frégates utiles. D’ailleurs, vous avez le talent de tenir une escadre en masse si compacte, que ce n’est presque qu’une seule batterie.
— Puis-je donc prendre la liberté de vous demander si votre intention est de prendre le large, dans le cas où les nouvelles qu’apporte l’Actif seraient ce que vous prévoyez ?
Sir Gervais jeta un regard pénétrant sur son ami, comme s’il eût eu quelque motif de méfiance, et qu’il eût voulu voir sur ses traits pourquoi il lui faisait une telle question. Cependant il ne voulait pas laisser paraître ses sentiments, et il réfléchit un instant avant de répondre.
— Il n’est pas très-agréable de rester ici à raguer nos câbles, pendant qu’une escadre française se promène à son aise dans la Manche, dit-il enfin ; mais dans les circonstances présentes, je crois qu’il est de mon devoir d’attendre les ordres de l’amirauté.
— Croyez-vous qu’elle vous enverra, par le détroit de Douvres, faire le blocus du Frith ?
— En ce cas, Bluewater, j’espère que j’aurai votre compagnie ; car je présume qu’une nuit de repos vous a donné des idées différentes de ce qui est le devoir d’un marin, quand son pays est en guerre déclarée avec son ennemi le plus ancien et le plus puissant.
— C’est la prérogative de la couronne de déclarer la guerre, Oakes.