Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/187

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rurgiens n’admirent dans la chambre que les personnages de considération, et les domestiques restèrent dans l’antichambre.

On ne pouvait plus douter alors que le pauvre sir Wycherly ne fût sur son lit de mort. Il avait recouvré toute sa connaissance, et il pouvait parler aussi intelligiblement que la veille, mais son système physique avait reçu un choc qui ne laissait aucun espoir de guérison. L’opinion des médecins était qu’il pouvait vivre encore quelques jours, mais qu’une attaque de paralysie ou d’apoplexie pouvait l’emporter en un instant.

Le vieux baronnet lui-même semblait sentir parfaitement sa situation, ce que démontrait évidemment l’impatience qu’il exprimait de voir tous ses amis réunis autour de lui, et de mettre ordre à ses affaires dans ce monde. Les chirurgiens avaient longtemps résisté à ses désirs ; mais enfin convaincus qu’il ne s’agissait pour lui que de quelques heures de vie de plus ou de moins, et que leur refus pouvait avoir des suites encore plus funestes que leur consentement, ils finirent par l’accorder unanimement.

— Ce n’est pas avoir trop d’indulgence pour l’infirmité humaine que de permettre à un moribond de faire ce qu’il désire, dit Magrath à demi-voix aux deux amiraux en les voyant entrer, dans la chambre. — Sir Wycherly est dans une situation qui n’admet aucun espoir ; qu’il fasse donc son testament, puisqu’il le désire si vivement ; quelques pauvres diables en seront plus heureux quand il ira rejoindre ses pères.

— Nous voici, mon cher sir Wycherly, dit le vice-amiral, qui ne perdait jamais un moment en délais inutiles, et nous sommes tous prêts à faire tout ce que vous pouvez désirer. Votre parent, sir Reginald Wychecombe, est aussi présent, et il désire faire tout ce qui peut vous être agréable.

C’était un spectacle pénible de voir un vieillard sur son lit de mort montrer tant d’empressement pour s’occuper de l’acte qui doit décider de ce qui se passera quand il n’existera plus. Il avait existé entre les chefs de deux branches de sa maison un éloignement que rien ne motivait, car il n’y avait jamais eu entre eux aucune querelle ni aucune cause de dissension ; mais ils étaient réciproquement convaincus que chacun d’eux ne convenait pas à l’autre. Ils s’étaient quelquefois rencontrés, et ils s’étaient toujours séparés sans le moindre désir de se revoir. Le cas était différent en ce moment. Leur séparation, dans un sens du moins, devait être éternelle, et toutes considérations subalternes, tous caprices d’habitudes, tout despotisme de goût, pâlissaient devant les impressions solennelles d’un