Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/225

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la tête de la ligne avec le Plantagenet, et de me faire suivre par les cinq ou six vaisseaux les plus fins voiliers, dans la vue de pouvoir nous tenir à distance jusqu’à ce que vous nous ameniez l’arrière-garde. S’ils nous donnent la chasse, vous savez que nous pouvons nous retirer.

— Sans contredit, si sir Gervais Oakes peut se résoudre à se retirer devant aucun Français qui ait jamais vu le jour. Tout cela sonne fort bien en conversant ; mais dans le cas d’une rencontre, je m’attendrais à vous trouver en arrivant, défendant comme des bouledogues vos bâtiments d’avant-garde démâtés, tenant le comte en échec, et me laissant la gloire de couvrir votre retraite.

— Non, non, Dick ; je vous donne ma parole d’honneur que je ne ferai pas une telle folie de jeunesse. Je ne suis plus à cinquante-cinq ans ce que j’étais à vingt-cinq. Vous pouvez compter que je me retirerai jusqu’à ce que je me trouve assez fort pour combattre.

— Voulez-vous me permettre de vous faire une observation, amiral Oakes, avec toute la franchise qui doit caractériser notre ancienne amitié ?

Sir Gervais s’arrêta dans sa promenade, regarda son ami en face, et fit un signe d’assentiment.

— Je vois à l’expression de votre physionomie que vous désirez que je parle ; je vous dirai donc simplement que votre plan aurait plus de chance pour réussir, si c’était moi qui conduisais l’avant-garde, et vous qui commandiez l’arrière-garde.

— Du diable si j’y consens. C’est s’approcher de la mutinerie, ou du scandalum magnatum, autant qu’on peut désirer. — Et pourquoi vous imaginez-vous que le plan du commandant en chef sera moins en danger d’échouer, si c’est l’amiral Bluewater qui conduit l’avant-garde, au lieu de l’amiral Oakes ?

— Uniquement parce que je crois qu’en présence de l’ennemi l’amiral Oakes est plus porté à prendre conseil de son cœur que de sa tête, et qu’il n’en est pas de même de l’amiral Bluewater. Vous ne vous connaissez pas vous-même, sir Gervais, si vous pensez qu’il vous sera si facile de battre en retraite.

— Je vous ai gâté, Dick, en donnant tant d’éloges, en votre présence, à vos folles manœuvres ; et c’est la pure vérité. — Mon parti est pris, et je crois que vous me connaissez assez pour savoir qu’en pareil cas, même un conseil de guerre ne me ferait pas changer d’avis. J’appareillerai le premier avec le Plantagenet ; je prendrai la tête de la division d’avant-garde, et vous me suivrez en appareillant le dernier des vaisseaux de l’arrière-garde ; je serai le chef de file,