Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/231

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Manche vers Morlaix ; ce qui nous mettra dans une position favorable, au vent. Tant que le jusant durera et que cette brise se soutiendra, notre route sera facile ; les difficultés arriveront avec le flot, ou par suite d’un changement de vent. Les bâtiments qui partiront d’ici les derniers devront avoir soin de se maintenir en vue de celui qui les précédera et de celui qui les suivra, et de régler tous leurs mouvements, autant que possible, d’après ceux du vaisseau qu’ils auront en avant. Le grand objet est de donner à notre vue le champ le plus étendu possible, et de tenir les bâtiments à portée de vue des signaux les uns des autres. Vers le coucher du soleil, je diminuerai les voiles, et la ligne devra se resserrer de manière à placer chaque vaisseau à une lieue l’un de l’autre. — J’ai recommandé à Bluewater d’y avoir égard en sortant de cette rade avec les derniers bâtiments, quoique je l’aie engagé à attendre aussi longtemps qu’il le jugerait prudent, dans l’espoir de voir arriver un exprès de l’amirauté. — Quand le flot se fera, je n’ai pas dessein de virer de bord, mais je continuerai la bordée de tribord, et je désire que vous en fassiez tous autant ; cela mettra les bâtiments qui seront en tête considérablement au vent de ceux qui les suivront, ce qui peut placer l’escadre en ligne d’échiquier. Comme je serai à l’avant-garde, mon devoir sera d’y veiller et de prendre garde aux conséquences. Ce que je vous demande surtout, c’est de faire grande attention au temps, et de maintenir toujours vos vaisseaux à une distance l’un de l’autre qui leur permette de recevoir et de transmettre les signaux. Si le temps est couvert, ou que le vent soit très-fort, il faut que nous resserrions notre ligne de l’avant à l’arrière, et que nous cherchions fortune en ordre serré. Que l’homme qui apercevra le premier l’ennemi en donne avis à l’instant même, et qu’on transmette cette nouvelle avec la position des Français, sur toute la ligne, aussi vite qu’il sera possible. En ce cas, vous vous dirigerez tous vers le point d’où sera parti cet avis, et faites-y bien attention ; n’agissez pas comme le feraient des bâtiments croiseurs, en cherchant à vous élever au vent par des bordées successives. Vous savez que je ne souffre pas qu’on s’écarte de mes ordres. Et maintenant, Messieurs, il est probable que nous ne nous retrouverons jamais tous ensemble : que Dieu vous protège, et que je vous serre la main tour à tour. Ensuite regagnez vos canots, car le premier lieutenant vient de faire dire à Greenly que nous sommes à pic. — Qu’il fasse donc lever l’ancre, Greenly, et partons le plus tôt possible.

Les adieux vinrent ensuite, et ce fut une scène dans laquelle la joie et la tristesse jouèrent également leur rôle ; après quoi tous les capi-