Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/240

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— Sans contredit. Personne, portant un uniforme, ne pourrait ni ne voudrait en faire moins. Il semble qu’il doive lui être difficile de quitter en ce moment Wychecombe-Hall ; où je présume qu’il aura bientôt aussi un combat à livrer pour son propre compte ; mais le sentiment de la profession l’emporte sur tous les autres dans un jeune homme ; et parmi nous autres marins, on dit même qu’il est plus fort que l’amour.

Mildred ne répondit rien, mais ses joues pâles et ses lèvres tremblantes, preuves d’un sentiment que son cœur ingénu ne pouvait cacher, firent que Bluewater regretta de nouveau d’avoir fait cette remarque. Pour tâcher de rendre à la pauvre fille son empire sur elle-même, il changea de conversation, et elle ne retomba plus sur Wycherly. Le reste du repas se termina donc avec calme, l’amiral continuant toujours à montrer l’intérêt soudain et généreux que lui avait inspiré sa compagne. Quand ils se levèrent de table, Mildred, alla rejoindre sa mère, et Bluewater retourna sur les rochers.

Le soir était arrivé, et quoique la douceur de l’été fût répandue sur la vaste nappe d’eau qui s’étendait devant les yeux, elle avait cet aspect sombre et mélancolique que le vent et les vagues donnent à l’Océan quand la lumière du jour est sur le point de l’abandonner à l’obscurité de la nuit. Tout cela ne fit aucune impression sur Bluewater, qui savait que des vaisseaux à deux ponts, montés par de bons équipages, et ayant des ris pris dans leurs voiles majeures, passeraient aisément quelques heures de ténèbres qui n’avaient encore rien de bien menaçant. Cependant le vent avait fraîchi, et quand il fut sur le bord du promontoire, son pied rendu plus sûr, et sa tête plus ferme par la brise assez forte qui venait de la mer, et qui semblait vouloir le préserver du danger de tomber dans l’abîme, l’Élisabeth abattait, ayant ses huniers aux bas ris et deux ris à ses basses voiles, et un voile d’étai derrière, pour la rendre plus facile à gouverner. Il vit que ce gros bâtiment fatiguerait, même sous ce peu de voiles, et que le capitaine avait fait toutes ses dispositions pour une nuit orageuse. Les fanaux que le Douvres et l’York portaient à leurs hunes commençaient à se montrer au milieu de l’obscurité croissante, le dernier ayant descendu la Manche d’environ une lieue et demie, et avançant dans cette direction pour gagner au vent ; et le premier étant plus au sud, ce vaisseau ayant déjà viré vent devant pour suivre le vice-amiral. Une chaîne de fanaux réunissait toute cette longue ligne, et procurait aux capitaines des moyens de communication. En ce moment, le Plantagenet était au moins à cinquante milles en avant, labourant la mer à travers une forte houle du sud-ouest, que