Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/329

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du ton formel et dogmatique qu’il avait coutume de prendre en lisant l’interprétation d’un signal.

— Fort bien. Répondez-lui d’approcher à portée d’être hélé ; il porte assez de voiles pour faire deux pieds pendant que nous en faisons un. Qu’il fasse porter, et qu’il vienne sous le vent du vaisseau. Parler ne sera pas une besogne facile aujourd’hui.

— Je doute qu’une frégate puisse assez approcher pour se faire entendre, quoiqu’on assure que le second lieutenant du Druide ne se sert jamais de porte-voix. Nos beaux esprits disent qu’il est fils d’un crieur public, et qu’il a hérité du domaine de sa famille.

— Oui, nos beaux esprits sont une bande de mauvais plaisants, ce qui arrive souvent quand il n’y a pas assez d’ouvrage à bord.

— Il faut avoir quelque égard, amiral, à ce qu’ils se trouvent sur le même bord qu’un commandant en chef connu par ses succès ; cela nous fait relever la tête devant les autres équipages.

— Hissez votre signal, Monsieur, hissez votre signal. Je serai obligé d’ordonner à Greenly de vous faire doubler votre quart pendant un mois, pour vous rappeler au respect.

— La réponse au signal est déjà faite, amiral. À propos, je vous serai obligé de prier le capitaine Greenly de me donner un autre aide-timonnier, car notre besogne exige de la promptitude lorsqu’il s’agit de quelque chose de sérieux.

— Je ne l’oublierai pas, Bunting, répondit le vice-amiral, un nuage lui passant sur le front. Je me suis aperçu que le pauvre Jack Gloss nous manque, et en voyant du sang sur la dunette, j’ai deviné son destin. Dans le fait, il me semblait avoir entendu un boulet frapper quelque chose derrière moi.

— Ce boulet à emporté la tête du pauvre diable, en faisant un bruit comme si un boucher eût assommé un bœuf.

— Eh bien, eh bien, tâchons de ne plus y songer jusqu’à ce que nous puissions faire quelque chose pour son fils, qui est un de nos mousses. — Ah ! voici Blewet qui laisse porter tout de bon. Mais comment diable pourra-t-il nous parler ? c’est plus que je ne saurais dire.

Le vice-amiral fit alors dire à son capitaine qu’il le priait de venir le trouver sur la dunette. Greenly ne tarda pas à s’y rendre, et sir Gervais l’informa des intentions du Druide et du but des signaux qui venaient d’être faits. Le grand hunier déchiré avait été raccommodé, et le capitaine proposa de l’établir de nouveau tous les ris pris comme auparavant, et de carguer la grande voile, ce qui diminuerait la vitesse du Plantagenet, qui prenait trop d’avance sur les autres vaisseaux. Sir Gervais y ayant consenti, ce changement fut effectué, et l’on en