Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/361

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sir Jarry songe en ce moment. Approchons-en, Wychecombe, et sachons ce qu’il a à nous dire.

— Bonsoir, sir Gervais, s’écria le comte, prenant l’initiative suivant sa coutume. Quand j’ai vu votre pavillon arboré sur cette barge, j’espérais que vous veniez m’accorder la faveur d’entamer une bouteille de Bordeaux et de goûter le fruit qui est encore sur la table.

— Je vous remercie, Milord, mais les affaires marchent avant le plaisir. Nous n’avons pas passé cette journée dans l’oisiveté, mais demain nous aurons encore plus de besogne. Comment se comporte l’Achille depuis que sa misaine est à sa place ?

— Sur mon honneur, sir Gervais, il fait des embardées comme un drôle qui a trop de grog dans sa coque. Nous n’en ferons jamais rien jusqu’à ce que vous consentiez à nous laisser tenir ses mâts en étais à notre manière. Avez-vous dessein de me renvoyer Daly, amiral, ou dois-je être moi-même mon premier lieutenant ?

— Daly a une croisière à faire, et il faut vous passer de lui aussi bien que vous le pourrez. Si vous vous trouvez sans matelots de l’arrière dans le cours de la nuit, ne vous imaginez pas qu’il ait coulé à fond. Placez de bonnes vigies, et qu’on fasse attention aux signaux. Sir Gervais lui ayant fait ses adieux d’un signe de main, le jeune comte ne se hasarda pas à lui répondre, et encore moins à lui faire une question ; mais on fit force commentaires à bord de l’Achille pour deviner le sens des mots que le vice-amiral venait de prononcer. La barge continua sa route, et cinq minutes après, sir Gervais était sur le gaillard d’arrière du Carnatique.

Parker reçut le commandant en chef la tête découverte, avec une inquiétude et une timidité qui lui étaient naturelles, et que le sentiment intime d’avoir rempli tous ses devoirs ne pouvait jamais dissiper entièrement. L’habitude y contribuait aussi ; car, accoutumé dès son enfance à avoir la plus grande déférence pour le rang, et ayant été l’artisan de sa petite fortune, il avait toujours attaché plus d’importance à la bonne opinion de ses supérieurs que ne le font ordinairement ceux qui peuvent compter sur d’autres appuis que leur bonne conduite. Après avoir fait rendre au vice-amiral les honneurs du gaillard d’arrière, cérémonial que sir Gervais ne négligeait jamais et qu’il ne souffrait pas que personne négligeât, le commandant en chef dit au capitaine qu’il désirait lui parler dans sa chambre, et invita Greenly et Wycherly à les y accompagner.

— Sur ma parole, Parker, dit sir Gervais, regardant autour de lui, et frappé de l’air singulier d’arrangement domestique que présentait