Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/388

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allèrent frapper la hanche à bâbord du Téméraire, matelot de l’avant de l’amiral français.

— Ce salut a été tiré à temps, dit sir Gervais en souriant, dès qu’il vit que le feu de l’ennemi n’avait fait éprouver à son vaisseau aucune avarie considérable. Le premier coup est toujours la moitié de la bataille. Nous pouvons maintenant conserver quelque espoir de salut. — Ah ! voici Greenly. Dieu soit loué ! il n’est pas blessé.

L’entrevue des deux vétérans fut cordiale, mais ils se parlèrent d’un ton sérieux. Ils sentaient tous deux que la position non-seulement du Plantagenet, mais de toute l’escadre était extrêmement critique, la disproportion de force étant beaucoup trop grande, et la situation de l’ennemi trop favorable, pour ne pas rendre le résultat de l’affaire extrêmement douteux, pour ne rien dire de plus. Quelque avantage avait certainement été obtenu, mais on ne pouvait guère espérer de le conserver longtemps. Les circonstances exigeaient donc des mesures décidées et particulièrement hardies.

— Mon parti est pris, Greenly, dit le vice-amiral ; il faut que nous attaquions à l’abordage un de ces vaisseaux et que nous décidions l’affaire par un combat corps à corps. Nous attaquerons le commandant en chef français. À la manière dont son feu se ralentit, il est évident qu’il a beaucoup souffert ; si nous pouvons l’emporter ou même le forcer à sortir de la ligne, nous en aurons meilleure chance avec les autres. Quant à Bluewater, Dieu seul sait où il est. Dans tous les cas, il n’est pas ici et nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes.

— Vous n’avez qu’à ordonner, sir Gervais, et vous serez obéi. Je commanderai moi-même l’abordage.

— Il faut que l’affaire soit générale, et que nous montions tous à bord de l’Éclair. Donnez les ordres nécessaires, et quand tout sera prêt, embraquez un peu les bras de bâbord, mettez la barre toute à bâbord, et faites une forte embardée sur tribord ; cela accélérera la crise. Nous pourrions aussi augmenter un peu le sillage, en laissant tomber la misaine, et en mettant la brigantine.

Greenly descendit de la dunette à l’instant pour s’acquitter de ce nouveau et important devoir. Il envoya ses ordres dans les batteries, recommandant pourtant à tout le monde de rester aux canons jusqu’au dernier moment, et il donna des instructions particulières au capitaine des soldats de marine sur la manière dont il devait couvrir les hommes de l’abordage et ensuite les suivre. Cela fait, il donna ordre de brasser ainsi que l’amiral l’avait ordonné.

Le lecteur n’oubliera pas la circonstance importante que tout ce que nous venons de rapporter se passa au milieu du tumulte de la